Vérités non dites, Angelica Garnett
Vérités non dites, Trad. Anglais Christine Laferrière. avril 2012, 291 p. 22 €
Ecrivain(s): Angelica Garnett Edition: Christian Bourgois
Ce sont quatre nouvelles d’inégale longueur qui constituent ce recueil, quatre nouvelles qui se distinguent par leur écriture et les aspects essentiellement autobiographiques qui en font la trame. Angelica Garnett révèle dans Vérités non dites les interrogations qu’une vie plutôt riche et complexe n’a pu que lui imposer.
Souvenons-nous tout d’abord qu’elle fut la nièce de Virginia Woolf, héritage d’une réelle richesse. Ainsi son enfance s’est-elle déroulée au cœur de cercles d’artistes et d’intellectuels qui constituèrent le groupe de Bloomsburry, sa famille y ayant une place prépondérante.
Mais si son enfance fut heureuse, Angelica Garnett, fille de Vanessa Bell (sœur de Virginia Woolf), vécut plus malheureusement la révélation que lui fit sa mère lors de ses dix sept ans : son père était en réalité le peintre Duncan Grant, avec qui elle eut une liaison. La conséquence poursuit encore Angelica Garnett, les interrogations suscitées aujourd’hui alors qu’elle a plus de quatre-vingt dix ans en sont la preuve. Quelques années plus tard, elle découvrira que son mari fut l’amant de son père ! Autant de ruptures qui se dévoilent dans ces nouvelles autobiographiques.
Qu’il s’agisse du secret de l’adultère dont elle est issue dans Quand toutes les feuilles étaient vertes mon amour, de la jalousie et du mensonge dans Aurore où elle fait dire à son héroïne « Si je me soupçonnais parfois d’être coupable de sentiments que je ne savais reconnaître, je m’empressais de creuser la terre pour dissimuler une vérité à laquelle je ne pouvais faire face », de l’art dans La soirée d’anniversaire ou de la manipulation dans Amitié, ce sont autant d’interrogations que l’auteur, qui est aussi peintre, se pose pour mieux y répondre, ou au mieux se donner des éléments de réponse. L’auteur cristallise les événements bouleversants de sa vie qui n’ont cessé de la hanter.
Tout l’intérêt de ces nouvelles réside dans l’écriture plutôt fine, légère, au service d’interrogations les plus profondes. Chaque nouvelle est l’occasion de questionner les événements vécus pour mieux comprendre les mécanismes qui se créent alors, soit pour se défendre, ou pour ne pas être affecté par une réalité trop abrupte. Parce que ce ne sont pas tant les événements qui importent, mais leur analyse finement sculptée et l’atmosphère, à quelques décennies de distance, que l’écriture restitue fidèlement.
C’est donc une écriture qui révèle, qui donne du sens au passé interrogé. Pas de révélations fracassantes, mais des interrogations que l’on dégage de leur gangue de réalité pour mieux saisir la complexité d’une vie riche. Angelica Garnett nous interroge aussi et c’est tant mieux.
Guy Donikian
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