Vent violent, Gilles Brancati
Vent violent, Chum Editions, mars 2013, 190 pages, 16,00 €
Ecrivain(s): Gilles Brancati
Le livre commence par son titre qui est judicieusement choisi. On reste dans l’attente de l’explication de ce choix jusqu’à la fin. En dire plus risquerait de dévoiler l’histoire dont il faut dire qu’elle est à plusieurs facettes. Elle se déroule sur deux continents, en Europe et au Sahara occidental. Deux histoires intimement liées jusqu’au dénouement final qui réserve une surprise de taille et permet au lecteur de comprendre le contenu de ces deux mots, vent et violent.
L’intrigue est originale et s’appuie pour sa partie saharienne sur des évènements historiques réels : l’aide des Forces Françaises, et en particulier de l’aviation, dans la résolution du conflit entre le Front Polisario et la Mauritanie dans les années soixante-dix. L’auteur a pris soin de donner les informations nécessaires sur cette opération, dite opération Lamentin, sans en faire un manuel d’histoire. Ainsi, le décor est planté et n’encombre pas.
Simon, pilote dans l’armée de l’air, est le pivot de cette histoire, et par son métier il est appelé à servir. On le retrouve en Algérie, en Mauritanie, en France, au Sénégal. Les autres protagonistes sont sédentaires, certains au Sahara occidental, d’autres à Lyon. Le lecteur vit au rythme des personnages et de leurs familles qu’il accompagne avec plaisir. Ce sont des gens ordinaires qui essaient de vivre au présent, du mieux qu’ils peuvent, dans un quotidien que chacun aurait pu croiser. L’analyse de la diversité est permanente dans ce livre. Diversité des caractères, diversité des chances, diversité des âges et des époques.
Tous les personnages ont des personnalités bien marquées par l’auteur et sans caricature. Car là était le piège : tomber dans la pensée moralisatrice, donner des leçons de vie. À aucun instant ce n’est le cas. Le constat est fait, mais sans jugement, laissant au lecteur sa part d’initiative. En ce sens, c’est un livre réussi, la sensibilité de l’auteur ne déborde pas. L’auteur ne dit pas au lecteur ce qu’il doit penser.
Nous avons tous autour de nous des gens comme les héros de ce livre, ils sont proches, chacun jouant sa carte. Contre la monotonie pour certains, pour la survie pour d’autres. C’est là que le livre trouve son épanouissement, dans la réunion sans tapage de personnages différents par leur culture, leur origine, leur goût, leur statut social, leur motivation. Trois femmes, trentenaires, partagent des amitiés bien réelles. Yona, la fille de Simon le pilote a pris une direction qu’elle conservera. Lulu dissimule son mal-être et son passé derrière un rideau de facéties. Samia, fille d’immigrés intégrés de longue date, est prête à saisir les opportunités que la vie pose devant elle, avec une détermination farouche. Vent Violent nous montre que le vivre ensemble est possible et que les jeunes générations ont fait leur cette notion de partage et que s’il y a des comportements encombrants, ils ne le sont pas tous.
Il y a donc deux lectures possibles de ce livre. Une simple intrigue qui emporte des individus, ou une tranche de vie sur fond de drame qui mêle les destins, chacun faisant le choix qu’il souhaite. Évidemment, cette seconde approche est la plus intéressante puisqu’elle est au cœur de notre quotidien. Ce livre se lit avec plaisir, bien écrit, bien raconté, on ne s’y ennuie pas. Les deux histoires se croisent chapitre après chapitre, on passe d’un lieu à un autre, sans jamais perdre le fil. Le style est sans fioritures et les dialogues très bien construits, chaque réplique reflétant bien le caractère du personnage en cause.
N’est-ce pas au fond par des récits comme celui-ci qu’on dit l’essentiel.
Bernard Schrepel
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