Variations du visage & de la rose, Béatrice Bonhomme
Variations du visage & de la rose, L’Arrière-Pays, 2013
Ecrivain(s): Béatrice Bonhomme
Dès le début du recueil, à la lecture des versets qui évoquent la nature, la chatte, puis la statue d’un visage, celui du peintre qui a vécu dans la maison, comme le dit l’exergue en italiques, le lecteur est sensible au thème sous-jacent du temps. De ce fait, à la 3° page, sonnent, à la façon des quatre notes de la 5° Symphonie, les quatre syllabes d’un « Tu te souviens ». Le choc est d’autant plus grand que Béatrice Bonhomme n’hésite pas à écrire « beau » et à choisir notamment la plus belle des fleurs, la rose, qu’elle soit réelle ou imaginaire pour laisser l’émotion envahir son texte. On y retrouve les accents que la poésie de Lydie Dattas, dont l’œuvre revendique la « beauté », a offert en son temps dans Le Livre des Anges-II : « Les roses respiraient le parfum de ton âme / ces roses mouraient en même temps que toi ». Sauf qu’ici, il y a une rose qui « brûle » encore.
C’est à propos de cette rose, de son cœur et de sang qu’au texte 4 le symbolisme des couleurs allié aux triples répétitions et au rythme des versets honore le souvenir du père disparu. S’y rencontre aussi, dès la décision du titre, un parti-pris de musique composée de variations et de leitmotivs qui définissent les litanies.
Le royaume de l’enfance est une autre offrande au lecteur qui, avec la « maison abandonnée aux graffitis », pense à Lullaby de Le Clézio, comme il avait déjà pensé au Petit Prince et à sa rose. Il pourrait paraître naïf d’évoquer ces références, mais Baudelaire l’a dit lui-même, le poète est un enfant et le lecteur du recueil en redevient un d’autant qu’il est surpris par une nouvelle interprétation de ces topoï sans doute rebattus. D’ailleurs la poète note ce point commun entre les deux thèmes du visage et de la rose quand elle écrit d’une part « Il (le visage) parlait d’enfance » et de l’autre « La demeure s’est blottie autour d’une rose rouge qui demeure le cœur de l’enfance ».
La fresque est, elle-même, de façon étonnante, le terrain de jeu des enfants, véritables actants de la création et de la transmission, qui « s’engluent » dans les couleurs et y laissent des « taches ». En effet, devenus « mots », ils ont écrit celui de « visage » « dans la lumière ». Le résultat est des plus esthétiques : le sang de la rose a servi de fard, le visage a repris vie avec les papillons-enfants « épinglés dans la fresque ».
Auparavant, l’espace de la demeure était envahi par l’autoportrait du peintre « aux yeux vivants », véritable présence qui « ne commande plus qu’aux ombres ». Ainsi voit-on nettement une dialectique ombre-clarté, vie-mort s’imposer dans le recueil.
Dans la dernière partie se confirme la tentation du narratif avec l’entrée dans la maison des loups, symboles précisément de mort faisant naître à la vie une petite fille qui « surgit du passé » pour lancer des roses au public comme à une Fête-Dieu. Et, au milieu de cette métamorphose, « Sur la neige de la scène, sur la neige de la mort, une rose rouge est demeurée », symbole, elle, de vie et de lumière.
Le recueil se clôt magnifiquement par une adresse à l’héritier « de l’empreinte du visage », Stello-le Chevalier à la rose, qui, en accouchant à la vie, a « porté le monde » à la lumière.
France Burghelle Rey
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