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Sous l’empire des oiseaux, Carl Watson (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 22 Mai 2020. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Sous l’empire des oiseaux, Carl Watson, Editions Vagabonde, 2006, trad. anglais (USA), Thierry Marignac, 174 pages, 18 €

 

« A Harlem, on buvait autrefois un breuvage baptisé Haut-et-Bas, ou Moitié-Moitié. C’était un verre de gin pur, additionné de vin rouge bas de gamme. Watson, à son meilleur, est une variante de ce cocktail : du gin tord-boyaux mêlé non pas de piquette mais de Haut-Brion » (Nick Tosches).

« J’ai servi à bouffer et fait la toilette des morts. J’ai porté un costume, fait la cueillette des pommes, planté des clous dans les rails et bavassé avec des poivrots. Tout ça pour le blé » (Active la machine).

Carl Watson écrit au scalpel, à l’arme blanche, ce qu’il a vécu à Chicago. Ses personnages boivent beaucoup, vivent dans des hôtels qui menacent de s’effondrer, dans des chambres que les bonnes ont désertées depuis des années. Ils passent leurs nuits et leurs jours dans des bars enfumés où volent les verres, les insultes et les menaces, et traversent des rues de quartiers où l’on perd facilement sa vie et ses illusions. Carl Watson sait de quoi il parle et sur quoi il écrit.

Le Maître du Haut Château, Philip K. Dick (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 20 Mai 2020. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Le Livre de Poche

Le Maître du Haut Château (The Man in The High Castle, 1962), trad. américain, Michelle Charrier, 380 pages, 7,90 € . Ecrivain(s): Philip K. Dick Edition: Le Livre de Poche

 

La pire erreur que l’on pourrait commettre à propos de Philip K. Dick serait de le confiner dans l’espace exclusif de la Science-Fiction – avec la condescendance qui accompagne trop souvent ce confinement. Dick est un grand écrivain et son champ est la SF ou la dystopie ou l’uchronie. Il est, avec JG. Ballard, Clifford Simak, Ray Bradbury et Isaac Asimov, l’un de ceux qui ont érigé un genre considéré auparavant comme mineur en partie intégrante de la grande littérature. Le souffle narratif, l’universalité de la vision, la puissance de l’imagination mettent Philip K. Dick dans la troupe (nombreuse) des plus grands écrivains américains du XXème siècle. Et Le Maître du Haut Château, l’un de ses chefs-d’œuvre majeurs.

Le Maître du Haut Château, écrit en 1962, est une uchronie post deuxième guerre mondiale, qui court de 1948 à vingt plus tard. Les Alliés ont perdu la Guerre, Le Reich allemand et le Japon impérial ont triomphé et se sont partagé le monde. Une ligne de démarcation sépare les ex-USA en trois blocs, l’un dominé par les japonais à l’Ouest, l’autre par les nazis à l’Est et, entre les deux, une zone « neutre ».

Tandis que j’agonise, William Faulkner (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 06 Mai 2020. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard)

Tandis que j’agonise (As I Lay Dying, 1930), trad. américain Maurice-Edgar Coindreau, 246 pages . Ecrivain(s): William Faulkner Edition: Folio (Gallimard)

 

Il faut une certaine audace pour écrire encore sur l’un des romans les plus célèbres et commentés de l’histoire littéraire universelle. Dans tous les cas, il faut au moins avoir quelque chose de nouveau à dire sur cette œuvre – si c’est possible.

C’est là une troisième lecture de cette œuvre de Faulkner. Comme toujours avec cet auteur, aucune lecture réitérée de l’un de ses romans n’est une RE-lecture. On lit, à chaque fois, un autre livre. On suit à chaque fois, un autre fil de narration. On découvre, à chaque fois, des lumières et des ombres qui nous avaient échappé. Mais toujours, toujours, la magie fascinante de l’écriture faulknérienne opère.

On peut dire, après d’autres, que Tandis que j’agonise est une « épopée » burlesque, traversée de scènes du plus haut comique. Certes, ni les personnages, ni la famille Brunden dans sa profonde misère matérielle et morale, ni les événements rapportés n’incitent a priori au rire. La matrone de cette improbable famille qui meurt au son du cercueil que son fils Cash fabrique pour elle est une scène a priori plutôt sinistre. Et c’est dans ce fil paradoxal, cette crête étroite entre tragédie et comédie, que Faulkner nous convie et nous hallucine.

Hank Stone et le cœur de craie, Carl Watson (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 29 Avril 2020. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Hank Stone et le cœur de craie (Hank Stone and the Heart of Chalk), Carl Watson, éditions Vagabonde. Traduit de l’américain par Brice Matthieussent. 63 p. 7,50 €

 

Une novella peut-être, un très court roman qui laisse sous le coup le lecteur incrédule. La puissance de ces brèves de quartier, d’un immeuble, le Stratford Arms – le héros vit, regarde et raconte ce qu’il voit de la fenêtre de son appartement – est proprement extraordinaire. Et c’est pourtant de l’ordinaire qu’il s’agit, de gens ordinaires, dans des scènes ordinaires, dans un quartier ordinaire de … New York peut-être ou bien ailleurs, partout.

Hank Stone est un regard et une oreille. On ne saura rien de plus de lui. Ni son allure, ni son métier (travaille-t-il ou passe-t-il tout son temps à regarder à travers sa fenêtre ?), ni ses pensées, ni ses émotions. Non. Juste un regard et une oreille. Sans le moindre commentaire. Il est difficile de ne pas évoquer le Grand Raymond Carver dans ce parti pris d’objectivation des scènes, dans cette mise à distance du vécu. Les bruits et les lumières/ombres peuplent ces brèves, les emplissant d’une inquiétude permanente, d’une tension dont il faut tenter de trouver l’origine. Des obsessions de Hank Stone sûrement. Son regard est panoptique, son écoute hyper perceptive. Il y a dans ces obsessions la fiche clinique d’un paranoïaque qui regarde le monde comme si, de chaque personne, de chaque objet, de chaque scène ordinaire pouvait surgir soudain, terrible et menaçante, une horreur.

"Old M. Flood, Un récit", Joseph Mitchell et "Arrêtez de me casser les oreilles", Un recueil des récits, Joseph Mitchell - Editions du Sous-Sol (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 15 Avril 2020. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits, Editions du Sous-Sol

Edition: Editions du Sous-Sol

Old M. Flood, Un récit, Joseph Mitchell, Editions du sous-sol, février 2020, trad. Lazare Bitoun, 127 pages, 16 €

« Dès qu’il arrive dans Fulton Street, le spectacle de ce pandémonium le revigore. Il rejette les épaules en arrière, renifle l’air salé et se frotte les mains. La puanteur de ces commerces de poisson n’a rien de désagréable. “Je vais vous révéler un secret très précieux, m’a-t-il dit un jour. L’odeur du marché aux poissons de Fulton Street vous guérira d’un rhume en vingt minutes. Aucun de ceux qui travaillent dans le marché n’attrape jamais de rhume. Ils ne savent tout simplement pas ce que c’est” » (Old M. Flood).

Joseph Mitchell n’est pas un chroniqueur comme un autre, il a une manière unique de saisir et de se saisir de situations, de dessiner des portraits d’hommes et de femmes croisés, dans la rue, les restaurants, les bars, les marchés (aux poissons), et de les transformer en personnages de roman par l’art du style. Joseph Mitchell saisit sur le vif ce qu’il voit, et le transforme en épopée urbaine foisonnante, entre 1944 et 1946. Old M. Flood possède cette puissance évocatrice, cette haute valeur littéraire qui rend ce récit étourdissant.