Un Temps de fête, Guillaume Decourt (par Didier Ayres)
Un Temps de fête, Guillaume Decourt, La Table Ronde, septembre 2024, 92 pages, 14 €
Edition: La Table Ronde
Récit
Il est singulier de parcourir une vie imaginée à l’aide d’un poème, fût-il en prose. Car c’est le récit qui porte le lecteur à chaque moment de chaque petit récit où le héros semble un autre lui-même. Ainsi, il faut bondir d’une histoire à l’autre. Contes imaginaires et profonds.
Nous n’avons pas d’enregistrement. J’ai retenu les écrevisses, les truites dans le trou des étoiles, le couvre-chef colonial, les soldats allemands dans les rues du Vieux-Nice, la nage libre dans la rade de Villefranche, le sanatorium, la chasse, la cabane dans les branches, le lièvre qu’on écorche lentement, le sang sur le torse des hommes, le sonnet de Heredia. Le timbre de la voix.
Ce qui frappe aussi, c’est la sensualité de ces micro-historiettes, monde de la boisson, du manger, de la sexualité, de nourritures terrestres et divines, monde terraqué. Ce monde est lyrique, chanson à boire, déambulations dans l’anecdote au sens fort d’une sorte de fausse contingence semblant nécessaire au poète pour supporter la vie tout bonnement. Et comme chaque section est faite de 7 lignes régulières, on voit la difficulté de ces poèmes psalmodiques.
Ces fables circulent dans des aquariums, passant par la rue Dédale, nous jettent dans un cinéma, à Honolulu, au zoo, vers la rue St-Denis, dans des lieux comme consommés dans la combustion du poème-narration. Ces sortes de chroniques font l’homme.
Si l’on considère que le baroque serait une perle irrégulière, je dirais que ces textes sont baroques, autant par de soudaines bizarreries que comme exercices complexes de la plume. Qui sommes-nous dès lors ? Quel est le vrai état de l’homme ? Sombre-t-il toujours devant sa corporalité ? Qu’est-ce qui anime l’âme ?
On pense bien sûr à Raymond Carver. Ou encore à Michaux ou Topor pour l’aspect parfois cru des descriptions. Ces textes sont des extrapolations, des situations excentriques, témoignant d’un monde exogamique ; sorte d’exil volontaire dans le poème, archipel de lieux plus ou moins vécus, monde extraordinaire d’une espèce d’invention enfantine. C’est l’expatriation du récit dans le poème qui est stupéfiante et en une certaine mesure, pleine d’humour.
C’était donc un chapeau de paille tressé par Marlon Brando. Il vous en avait fait cadeau. Mais cela, je ne l’ai su que plus tard. Il a fallu cet accident. La Triumph TR5 en contrebas. Le notaire. Et que je tombe sur Lady Babe par hasard. Je le porte parfois en votre mémoire. Sur le bandeau intérieur, ces quelques mots, à l’encre indélébile noire : « Pour le Dr A., avec amour, Marlon – Tetiaroa ».
Didier Ayres
- Vu : 1026