Un petit geste, Jacqueline Woodson (par Yasmina Mahdi)
Un petit geste, Jacqueline Woodson, éditions D’Eux, août 2021, Ill. Earl Bradley Lewis, trad. Christiane Duchesne, 32 pages, 15 €
Enfance troublée
Le nouvel album des éditions D’Eux vient de paraître, intitulé Un petit geste, et destiné aux enfants dès l’âge de 5 ans. Ce livre jeunesse grandement imagé, aux dimensions de 23x21 cm et de 32 pages, est adressé au personnel et aux ami(e)s de l’école Haddonfield Friends, une école quaker à Camden, New Jersey. Jacqueline Woodson, l’auteure, née en 1963 à Columbus, Ohio, est une femme de lettres afro-américaine. En 2018, elle reçoit le prix commémoratif Astrid-Lindgren, et en 2020, elle est à nouveau sélectionnée pour le Prix international danois Hans-Christian-Andersen, dont elle avait été finaliste en 2016. Earl Bradley Lewis, artiste afro-américain lui aussi, né en 1956, à Philadelphie, Pennsylvanie, a illustré plus de 70 livres pour enfants. Ayant été honoré de plusieurs prix, en 2003 nombre de ses aquarelles originales ont été acquises par The Kerlan Collection à l’Université de Minnesota.
L’univers des enfants peut s’avérer cruel, sans concession ni compassion, enclin aux préjugés. Et c’est ce que dévoile sans détour ce recueil saisissant. Tout commence à la saison hivernale, sous la neige, au sein d’une belle école nichée sous les sapins. Néanmoins, l’arrivée des beaux jours et des jeux de plein air n’améliorent pas les comportements brutaux des enfants de cette école primaire à l’égard de leur petite camarade, nouvelle venue, semblant déshéritée, très pauvre, Maya. C’est Chloé, jolie petite métisse, qui raconte à l’imparfait ce récit, nous faisant part de ses regrets d’avoir manqué une rencontre et une amitié. Les mauvaises actions commises à l’encontre de Maya l’attristent mais elle en comprend la teneur. Un petit geste aborde plusieurs problèmes : celui de l’ostracisme, des opinions préconçues, de la méchanceté gratuite envers un plus faible que soi. En effet, Maya, mal habillée, étrangère, va être le souffre-douleur des écoliers. Pourtant, un léger signe amical aurait été très simple…
Les illustrations de Earl Bradley Lewis sont traitées à l’aquarelle, les détails, peints avec méticulosité. Du blanc ajoute une luminosité vive, permet de saisir les expressions des divers personnages représentés. Le plasticien se poste dans la salle de classe, à l’extérieur, hors champ, derrière les carreaux des fenêtres ou bien dans la cour de récréation. La touche réaliste de l’illustrateur américain est l’étude méthodique d’un sujet précis, qui forme un ensemble de portraits authentiques. Les fillettes et les garçonnets, d’origines diverses, sont figurés en pied, ou encore en médaillon, certains en plongée, puis en contre-plongée et frontalement. Bradley crée des enfants à hauteur d’yeux, et l’on distingue la signification des attitudes et des regards, d’une portée évidente et universelle. Des lignes droites, croisées, des figures rectangulaires, circulaires, circonscrivent les scènes de cet univers clos. Les tenues vestimentaires sont de couleurs assourdies – survêtements, blousons, doudounes, bruns, bleu jean, pastels, roses-rouges. Le tout est magnifiquement peint. La réunion de deux talents, écrivaine et plasticien, s’accorde harmonieusement pour poser les difficiles problèmes contemporains de l’acharnement du groupe contre un bouc-émissaire.
Yasmina Mahdi
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