Un père sans enfant, Denis Rossano (par Jean-Jacques Bretou)
Un père sans enfant, Denis Rossano, août 2019, 368 pages, 20,90 €
Edition: Allary Editions
Un père sans enfant – Derrière cet oxymore se cache la biographie romancée de Douglas Sirk. Ce dernier, de son nom de naissance Hans Detlef Sierck, est né en 1897 à Hambourg. Après avoir passé son enfance au Danemark, d’où sa famille est originaire, Sierck va entreprendre des études artistiques en Allemagne puis y devenir metteur en scène de théâtre et de cinéma, avant de rejoindre les USA où il sera connu comme réalisateur de mélodrames et de thrillers sous le nom de Douglas Sirk. Il s’éteindra à Lugano, en Suisse, en janvier 1987.
Pour les besoins de son roman, Rossano invente le personnage de Denis étudiant en cinéma. Ce dernier dont la mère est allemande éprouve une grande fascination pour l’œuvre mélodramatique de D. Sirk. Sur les conseils de son professeur, il lit le livre de Jon Hallyday, Sirk on Sirk, et décide de faire son mémoire de maîtrise sur le cinéma germanique populaire sous le IIIe Reich. Il va se rendre à Lugano au cours des années 1981 à 1987 pour rencontrer Sirk et tâcher d’en apprendre plus sur cette image du cinéma mondial, et tenter de cerner le personnage, son entourage et ses ambiguïtés.
On découvre ainsi que Sierck, jeune metteur en scène, épouse dans les années 1920 une allemande Lydia Brincken dont il aura un fils Klaus. Sentant cette dernière de plus en plus conquise aux idées d’Adolphe Hitler, il divorcera de Lydia en 1928. Puis épousera une juive, Hilde Jary. Lydia lui interdira alors de revoir son fils.
Denis se passionne pour son héros. Il essaye de répondre aux questions qu’il se pose : Comment ce dernier apprécié de Goebbels, travaillant pour la UFA et pourtant antinazi peut-il continuer sa carrière sans se compromettre ? Comment peut-il protéger sa nouvelle épouse de la législation antisémite de l’époque ? Et surtout comment va-t-il pouvoir suivre l’éducation de Klaus que sa mère fait entrer aux jeunesses hitlériennes et qui peu à peu, embrassant la carrière du cinéma, va devenir un jeune acteur aryen servant d’icône à l’Allemagne nazie ? Denis trouve des réponses dans le cinéma même de Detlef Sierck, il cache sa vie si tragique derrière son cinéma si mélodramatique aux codes bien rôdés. Là où l’homme est à la peine le cinéaste excelle.
Mais bientôt la guerre est déclarée. Sierck va devoir s’exiler au Etats-Unis et devenir Sirk. Á Hollywood de nombreux Allemands se sont déjà réfugiés. Il va faire partie de cette intelligentsia immigrée tandis que l’Europe de déchire, la tragédie va le frapper à nouveau : Klaus sera porté disparu.
Rossano nous livre un roman passionnant sur l’auteur de Le temps d’aimer et le temps de mourir, Mirage de la vie. C’est un roman biographique mélodramatique sur le maître du genre au cinéma. Tout ce qui concerne Douglas Sirk est vrai, les histoires de ses femmes et de son fils sont vraies. Derrière la vie de cet homme remarquable se cache le cinéaste hollywoodien de la Universal, créateur de véritables mythes cinématographiques tel que Rock Hudson et John Gavin, peut-être image transcendée de son fils. Á lire !
Jean-Jacques Bretou
Denis Rossano, journaliste et romancier, réside depuis 1996 à Los Angeles, où il a longtemps été correspondant cinéma pour la presse française.
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