Un homme qui savait, Emmanuel Bove (Philippe Leuckx)
Un homme qui savait, 216 pages, 7,10 €
Ecrivain(s): Emmanuel Bove Edition: La Table Ronde - La Petite Vermillon
Romancier précoce (un premier livre à 26 ans), Emmanuel Bove a publié, le temps d’une carrière fulgurante (il mourut dès 1945), une vingtaine de livres.
La réédition de ce roman écrit en 1942 permet à un large public de redécouvrir une plume que l’on compare souvent à d’autres figures incontournables de ces années-là, disparues, puis ressuscitées : Gadenne, Calet, Hardellet, Vialatte, merveilleux stylistes.
Un homme qui savait est le genre de titre particulièrement voltairien, puisque le lecteur se rendra vite compte des abîmes qui enfouissent le destin de ce médecin, Maurice Lesca, qui a rompu avec son passé pour finir son périple d’homme, sans rien savoir de sûr, dans une pauvre piaule, mendiant l’amitié d’une Madame Maze, libraire de son état, comme celle de sa sœur Emily qu’il a fini par héberger, elle qui a laissé un fils à Noyon.
Lesca n’est d’aucun destin, un homme ordinaire pétri de contradictions, veule, pusillanime en diable, maître des dérobades, des gestes et des paroles malheureux, des conduites improbables.
Il avance, recule, dit, se contredit, fait, marche, appelle au secours, hypocondriaque ou malade, nous ne le saurons jamais tant son état de fragilité ressemble à une grave névrose : il ne sait rien, il ne maîtrise rien, il entreprend sachant qu’il ne le peut, et les catastrophes sentimentales s’accumulent. Voudrait-il s’amouracher qu’il met entre lui et Madame Maze un immense malentendu ?
Existentialiste, le roman l’est à plus d’un titre, révélateur des miasmes qui fourmillent dans les cerveau déréglé et cœur malade d’un personnage à la fois attachant, repoussant, attendrissant et répugnant. Il joue au chat et à la souris avec sa sœur qui manque de tout et il ne fait qu’agiter le spectre d’un argent qui ne vient jamais. Le sadisme fait partie de ce roman, à la longue assez languissant et désespérant tant on tourne en rond entre ces deux chambres des frère et sœur de l’appartement miteux et les rues où l’antihéros se désole de solitude, rue Monge et ailleurs.
Une écriture naturaliste, précise, sans images excessives, pousse l’histoire et le personnage dans ses derniers retranchements, au bout d’une intrigue qui se clôt en eau de boudin.
Philippe Leuckx
- Vu : 1934