Un espiègle canari, Michel Piquemal, Pascale Maupou Boutry (par Yasmina Mahdi)
Un espiègle canari, Michel Piquemal, Pascale Maupou Boutry, éditions Cipango Jeunesse, mars 2021, 32 pages, 15 €
Chants et couleurs d’un pays lointain
Les éditions Cipango publient le tout dernier album-jeunesse créé par Michel Piquemal et Pascale Maupou Boutry, un conte situé dans l’Inde ancienne et traditionnelle. Ce livre carré de 24,5 cm propose des images colorées autour d’un récit venu d’un pays lointain. Sur la couverture cartonnée, un enfant avenant s’amuse d’un canari. En ouvrant l’ouvrage, l’on rentre de suite dans un bleu turquoise, velouté, parsemé de très légers linéaments noirs, le bleu turquoise de l’Océan Indien. Au dos de la couverture, ne subsiste qu’une plume dorée dans l’étendue sidérale. Le livre, comme la cage ouverte de la première page, va laisser libre cours à une subtile fable philosophique.
Un puissant sultan, esthète, amoureux des oiseaux, est berné par son chambellan, un grand vizir peu scrupuleux. Sa passion pour les chants d’oiseaux de compagnie lui coûte une fortune, des sommes importantes d’argent qu’il paye sans sourciller. Cependant, il existe des choses que l’on ne peut acheter ni même acquérir de force : l’amitié, la confiance, la liberté.
Le féerique palais du padischah est entouré de parcs et de jardins savamment agrémentés d’allées et d’alignements symétriques, dans lesquels les volières abritent toutes les espèces de nos amis à plumes. Dans ce château immense, meublé avec luxe, loge une suite de courtisans, de membres de la famille du sultan, de serviteurs et la garde rapprochée du grand seigneur – en fait une prison dorée, comme la cage destinée à capturer le canari. Les enfants vont pouvoir rêver sur les costumes, les parures, le plumage sophistiqué de la gent volatile, explorer les rites et coutumes indiennes, l’architecture d’un palais des Mille et une nuits, surmonté de dômes et de bulbes dorés et émaillés.
Fillettes et garçonnets vont se familiariser avec les turbans, les caftans brodés, les cothurnes et les babouches, les sarouels bouffants des Indiens. Ils vont rencontrer un petit garçon, pauvre, seul mais jovial, qui s’est attiré l’amitié du plus beau canari du monde. Les cavaliers en grand apparat capturent le canari espiègle, au chant si mélodieux qu’aucun autre oiseau n’arrive à imiter. Un événement amusant et irrévérencieux va alors se produire, et les puissants recevront une bonne leçon ! Le canari est surnommé l’espiègle car il sait faire diversion, et se venger.
Cet album-jeunesse se réfère au monde oriental, par les vêtements et les carnations des personnages. La référence plastique est double : d’abord, celle puisant aux sources de l’art de la miniature arabo-persane, indo-musulmane et moghole ; d’autre part, grâce à la perspective occidentale, la ligne d’horizon, le traitement de l’espace et l’instauration du point de fuite. La présence du rouge carmin, des ocres et des marrons, ressortent sur plusieurs gammes de verts, de bleus, de jaunes, le tout rehaussé d’or. Dans les illustrations pleine page, des gros plans de visages, de mains, de femmes et d’hommes, de l’enfant, d’oiseaux fabuleux sont entourés d’un paysage sophistiqué.
Le texte est écrit à la manière d’une nouvelle courte, une ode à la liberté et au respect envers les animaux et le vivant. L’on ne peut s’empêcher de penser à La Conférence des oiseaux du poète soufi persan Farid al-Din Attar, datant de 1177. L’allégorie sous-jacente de l’histoire rédigée par Michel Piquemal rejoint des préoccupations universelles et sans doute, l’illustratrice, Pascale Maupou Boutry, peut affirmer, de concert avec M. Piquemal, l’incipit de Attar : « Chercheur de vérité, ne prends pas cet ouvrage pour le songe éthéré d’un imaginatif. Seul le souci d’amour a conduit ma main droite […] ».
Dès 6 ans.
Yasmina Mahdi
Michel Piquemal, né en 1954 à Béziers, auteur, diplômé d’un doctorat de lettres, a publié de nombreux ouvrages de philosophie à destination de la jeunesse, et est un ardent défenseur de la pratique de la philosophie à l’école primaire. Entre autres thèmes, il s’intéresse aux Amérindiens, et à la philosophie. Ses ouvrages ont été couronnés de plusieurs prix, dont le Prix des Incorruptibles en 2006.
Pascale Maupou Boutry, née à Angers, a fait ses études aux Beaux-Arts de Toulouse et est diplômée de l’atelier d’illustration des Arts Décoratifs de Strasbourg. Graphiste, elle a illustré également de nombreux manuels scolaires et parascolaires.
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