Un baiser qui palpite là, comme une petite bête, Gilles Paris (par Philippe Leuckx)
Un baiser qui palpite là, comme une petite bête, septembre 2021, 224 pages, 13,50 €
Ecrivain(s): Gilles Paris
Sur un titre puisé dans un poème du génial et jeune Rimbaud, l’écrivain campe une histoire dont les divers narrateurs sont des jeunes lycéens de quinze et seize ans, en quête d’eux-mêmes, des autres, des joies et des désirs d’adolescents. En quête d’amitié, d’amour, de sexe, s’essayant à la fête, à la drogue, à l’alcool, comme nombre de jeunes.
Voici donc Iris, Emma, Sarah, Chloé. Voici Léon, le disgracieux, Tom, à la mèche insolente, Aaron, Solal, Timothée, Léon, et d’autres. Les jumeaux Emma et Tom, de parents cossus, traversent cette histoire multiple, qui voit s’accumuler les rencontres, les coups bas, les fêtes, les trahisons. Iris s’est pendue, et toutes et tous s’en souviennent, parce qu’ils ont été les uns et les autres responsables de son geste pour l’avoir harcelée, souillée au lycée, l’année précédente. Depuis l’affaire Iris, tout est différent et à la fois pareil. Les séductions, les rencontres, les couples qui se forment, les réseaux qui guettent et visent leurs proies.
Le nouveau roman de Gilles Paris réussit à convaincre par ces histoires personnelles qui jettent combien d’ombres au tableau de la jeunesse. L’actualité est pleine de ces faits divers se terminant mal pour de jeunes victimes et leurs familles. Le tableau est sombre. L’épilogue, sans doute, éclaircira un peu la donne. La fin est ouverte.
Le talent de Paris est de décrire, par le biais de ces diverses narrations, le plus intime avec les couleurs de la gamme, du rose au noir foncé. Il ne gomme guère tous les travers qui occupent le mental de ces jeunes, trop jeunes pour agir en adultes, trop vieux dans leurs têtes pour faire de la fête un tremplin. Ce n’est pourtant pas totalement désespéré ni amoral ; certains de ces jeunes, le temps de leurs aventures, ont mûri, ont pu saisir un peu de leur destin et prendre – enfin – de bons choix. Le langage des jeunes (un lexique est prévu à la fin du volume) donne une bonne dose de réalité et de vraisemblance à ces destins parfois fourvoyés. Les fêtes ne se terminent pas toujours au creux calme des jardins de villas cossues ; le poste de police est parfois franchi pour des urgences.
Ce livre, accessible et bien écrit, pourra séduire aussi bien le public des adolescents que celui de leurs parents ; le monde des deux y est très bien analysé, et l’époque, avec ses secousses, ses drames familiaux, ses errances. On retient des témoignages vifs, des confessions intimes, des expériences aguerries.
On est ému de tel échec, de telle trahison.
On sent bien sûr le cœur vagabond qui apprend, saisit, retient, happe le réel de ses désirs.
Les jeunes, qui vivent sous la plume de Gilles Paris, sont loin d’être des clichés, des caricatures ; ils vivent pleinement leur fragilité, leurs doutes. Ils sont d’aujourd’hui. Pleinement.
Un beau roman, d’initiation et d’apprentissage.
Philippe Leuckx
Gilles Paris, écrivain français, né en 1959, est l’auteur d’une bonne dizaine de volumes. Citons : Papa et maman sont morts ; Autobiographie d’une courgette ; Certains cœurs lâchent pour trois fois rien. Et a reçu de nombreux prix littéraires.
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