Tuez-les tous… mais pas ici, Pierre Pouchairet (2ème critique)
Tuez-les tous… mais pas ici, janvier 2018, 468 pages, 19 €
Ecrivain(s): Pierre Pouchairet Edition: Plon
Pierre Pouchairet n’est pas (encore ?) un auteur fameux au point qu’il soit tout à fait superflu de jeter un œil à la présentation biographique qui orne la quatrième de couverture. On y apprend que cet ancien commandant de police a déjà publié un roman « dont l’action se déroule dans les territoires occupés », sans plus de précision. S’agit-il du Tibet, où l’immolation par le feu tient lieu de protestation et d’acte de résistance à la Chine ? Du Sahara occidental, occupé par le Maroc depuis 1975 et où les militants sahraouis sont torturés ? De la partie septentrionale de Chypre, d’où deux cent mille Chypriotes grecs furent chassés un an plus tôt dans l’indifférence internationale, devenant autant de réfugiés dans le sud d’une île dont la capitale est coupée par un mur qui n’a rien de symbolique ? Nous inviterait-on pour autant à boycotter les produits chinois, marocains ou turcs ? Puisque nous parlons de la Turquie, c’est un pays que Pierre Pouchairet connaît bien (il y a été en poste) et où il situe une partie de l’action de son nouveau roman, Tuez-les tous… mais pas ici.
Ce n’est toutefois pas au Levant que l’action commence, mais en Bretagne, une région qui éprouve les mêmes problèmes socio-religieux que le reste du pays. Une lycéenne disparaît sans laisser de traces. Ses parents ne croient pas à une fugue de quelques heures ou de quelques jours et ils ont raison. Ils commencent à envisager le pire : enlèvement, prédateur sexuel, … Ils ne devinent pas tout de suite qu’il existe toujours pire que ce qu’on imagine : la demoiselle a pris le chemin de la Syrie, via la Turquie, et pas pour visiter Alep, qui fut jadis la plus belle ville du monde arabe. L’adolescence est un âge où les enfants qu’on a eu plus ou moins le loisir de regarder grandir subissent une véritable métamorphose. En l’occurrence, la chrysalide est sur le point de libérer un insecte venimeux. Bien entendu, les parents, qui ont, comme tout un chacun, leur propre vie et leurs propres problèmes, qui de surcroît sont divorcés, n’ont rien vu venir. Ancien policier et ancien journaliste, le père est approché par les services secrets qui, confrontés à l’angélisme des responsables politiques ont décidé de prendre les choses en main. Mais quel « service » au juste et avec quelles motivations ? Dans la lignée des S.A.S. (petit clin d’œil à feu Gérard de Villiers, p.58), le roman de Pierre Pouchairet est comme on attend qu’il soit : efficace, nerveux, sec, sans gras, fioritures, illusions ou considérations morales. Les petites frappes finissent par faire les pires terroristes, ce qui valide indirectement la théorie du « carreau cassé ». L’écriture du livre est à l’avenant. La relecture laisse quelque peu à désirer (la conjugaison du verbe rireau passé simple, p.227 et 385 ; un personnage se prénomme alternativement Sylvain, p.166 et 452, ou Gilles, p.252). Ces détails seront faciles à corriger et ne diminuent pas le plaisir que l’on prend à lire ce roman.
Gilles Banderier
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