Trente-neuf tankas rouges (par Didier Ayres)
(…) et rouge comme ce dont je ne parviens
pas à me souvenir
Je dirai que je suis tombé.
Roland Dubillard, Limoges/Poitiers
Réalisé grâce au soutien de la région Nouvelle-Aquitaine
1. Telle la nuit
Qui reste mon habitation
Au-dehors la lumière
Un demi-cercle
Pauvre comme le sommeil.
2. Mon angoisse me ressemble
Ainsi le maître
À travers le travail du destin
De grandes fumées rouges
Dans un miroir.
3. Mes yeux se portent sur le soir
Quels gardiens
Dans le temple étrange
Je ne distingue rien
Comme si je cessais d’exister.
4. Le village
Je pourrais en mourir
Regardant la fenêtre blanche
Cependant rien n’existe ici
L’image pure seulement.
5. Dimanche
Quel siècle écarlate
Dans ce récit
Ton être est mon être
Et avec nous l’univers.
6. La somme des eaux
Des galaxies herbeuses
Rien comme la mélancolie
Mon cœur n’est personne
Viens-tu ?
7. Viens avec moi dans le sentier
Là où croissent des arbres de sel
Tout sera pourpre ou noir
Comme ce petit drapeau
Le temps brûlé.
8. Le silence
Où disperse-t-il
La durée ?
L’esprit est court
Au milieu du vertige.
9. Les nuits ne disent rien
Ni mes yeux
Ni le ciel si pauvre et si simple
Qu’ai-je appris de l’ancienne étoile
Un voilier fait d’orchidées et de lumière ?
10. Dans la nuit glacée
Il y a davantage de nudité
Ce théâtre clair
L’hiver nous y retrouve
Et avec lui les chemins.
11. Les nuits et les jours ne se succèdent pas
Seul au sein des flammes
Mon cœur fut abîmé
Je ne connais aucune langue
Mais l’orgueil de la durée.
12. Papillons du premier cercle
Qui se battent
Avec le sommeil
Que sont ces rectangles d’or
Ces oiseaux vertigineux ?
13. Ce n’est pas mourir
La fleur de l’acacia
Dans ce jardin de cendres
Le silence
Minuit.
14. J’ai bu le crépuscule
Là où le seigneur est destin
La journée dès lors est un disque
Rêverie des labyrinthes
Ivresse de l’invisible.
15. Que reste-t-il
Ta voix
Ton angoisse intellectuelle
Entendre les choses
Le vide la mort ?
16. L’abeille cogne dans le verre
Prise dans les sucres de l’alcool
Il est cinq heures
Toute la nuit j’ai marché en moi
Quel dieu brûlant m’a aidé ?
17. La nuit vient
Ainsi que les merveilles de l’anxiété
Figeant la beauté glaciale du torrent
Herbes hautes à minuit
Des couronnes d’or sur la chemise du matin.
18. Nous nous dirigeâmes
Dans l’averse
Au sein des eaux blanches
Mon âme fût-elle
Prise par la pluie entière ?
19. J’ai mélangé le sel et l’amertume
Sorte de coquelicots noirs
Où brille une bizarre constellation
Tout a jailli
Comme un cheval armé.
20. Que fut le très impossible sommeil
Un oiseau rouge
Mon visage de pierre ?
Suis les Argonautes
Et leur manteau de lumière.
21. Dans la cathédrale de notre chambre
Va et vient la peine
Le destin universel
Le poème
Comme le ferait un mirage.
22. la gravité de l’angoisse est telle
Qu’elle chante l’apocalypse
En des termes nouveaux
Fin de soi
Dans le lac rouge.
23. Il n’y a pas de silence
Où le ciel gît en miroir
Qui descend vers le soleil
Ici dans la ruelle
Aussi grande que l’école.
24. Parfois il faut mourir
Quand la chambre s’illumine
Et disparaître
Le pourrais-tu
Anxieuse maison ?
25. Je suis nocturne et définitif
Parmi mille moments
Dans l’astre inouï
Solitude
Flamme qui détruit le temps.
26. C’est le rêve d’une aurore
Le triste néant
Le ruisseau froid
Qui glisse depuis l’est
Attendant le nouveau crépuscule.
27. Les nuits sont devenues poreuses
Qui cachent le mystère
Une histoire profonde
Est-ce mieux qu’un arc de feutre
Ce tablier du soir ?
28. La mort est venue
Seule dans la maison jaune au coin de la rue
Est-ce la sombre voix du mal
Que je ne peux décrire
Quand ici séjourne l’étang de la mélancolie ?
29. Tel un oiseau de glace
Qui dessine une oblique
Dans le grand néant elliptique
Un gypaète descend droit sur la rue
Où la mort fut battue.
30. Il fallait donc boire la gentiane
La jonquille rêveuse
L’ordre
Nos regards vers la divinité
Si belle parmi les fleurs.
31. Quel est-il le froid glacé de l’âme
Est-ce ce rameau d’orchidées
Ou peu à peu la rivière ?
J’ai pleuré plusieurs fois
Au milieu du conflit de la nuit.
32. Mes doigts furent brûlants
Touchant à la fièvre
Des lignes et des cieux pourpres
La rue et son drapeau
L’oiseau éternel de mai.
33. Demi-cercle de la pluie
Comme sont les attelages
Ainsi que les abeilles
Je m’achemine
Vers les citronniers et l’énigme.
34. Empreinte de tes yeux
Là où séjourne le disque de la vie
Quelque naissance sublime
Nous voulûmes renaître
Mais vivre la vérité.
35. Le verger porte ses fruits d’argent
Comme seules les destinées
Les îlots de la connaissance
Mon âge est un archipel
Où tanguent les heures mortelles.
36. Attendre est une chance
Et l’éparpillement de certaines averses
Avec celles des héliotropes
La beauté est devenue nôtre
Partageant la chambre du temps.
37. Quelle est cette épée de glace sur nos poitrines
Ressemblant à des œuvres de titane
Et toute cette majesté intentionnelle ?
Nul corps obscur
Dans l’être au flacon noir.
38. Ici se constitue un monde de cuivre
Cette demeure les équidés le rêve
La clarté du sujet
Cependant l’univers se détruit durant mon sommeil
Auquel je préfère le chœur gigantesque des choses.
39. Ma vie est ce corps violent
Trouvé seulement par la pensée
Se ferme ainsi la maison de fer
Trois œuvres successives
Dans la force naturelle des idées.
St-Junien, 25 mai 2021
Didier Ayres
Je remercie l'ALCA- Nouvelle-Aquitaine qui a permis la réalisation de ce texte
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