Travelling, Un tour du monde sans avion, Christian Garcin, Tanguy Viel (par Sylvie Zobda)
Travelling, Un tour du monde sans avion, mars 2019, 281 pages, 18,90 €
Ecrivain(s): Christian Garcin Tanguy Viel Edition: Jean-Claude Lattès
A l’heure de la mondialisation, de l’internet 4G, des liaisons satellitaires, des flux où vitesse et densité vont de pair, qu’est-ce qui pousse Christian Garcin et Tanguy Viel à réaliser un tour du monde sans avion, en cent jours, pour faire une boucle dans l’hémisphère Nord, entre le 35ème et le 55ème parallèle ? Le titre de ce roman écrit à quatre mains annonce un travelling, un déplacement de l’ordre de la promenade, et non du survol rapide, un voyage doux posé sur des rails préétablis, délimitant les routes du cargo, de la voiture, du bus, du train, passant par l’Atlantique, les Etats-Unis, le Pacifique, le Japon, la Chine, la Russie puis l’Europe.
La géographie s’annonce donc variée, mais le livre est bien plus encore un voyage dans le temps, celui du réel, et non du fictionnel, encore moins de la légende collective, des représentations grossières, du passé plus ou moins glorieux. Les deux écrivains, pour parvenir à leur fin, restent dans le terre-à-terre, ils s’accrochent au sol présent.
Ils s’accrochent aux lignes, en premier celle d’une carte qui va ceindre la terre, indiquant la direction du voyage, toujours vers l’Ouest, celle des horizons de l’Atlantique et des plaines américaines, les lignes des verticalités de New-York, Shanghai et Pékin, les lignes des profondeurs du Middle West américain, des montagnes japonaises ou du lac Baïkal, celles aussi qui sont lues, car les deux écrivains s’accompagnent de confrères aux lumières éclairantes (Stevenson, Thoreau, Kafka, Ortiz, Tchekhov, Bachelard, Giono, Proust…).
Ils s’accrochent à l’observation de la nature et des animaux, des hirondelles clandestines sur un porte-containers aux phoques du Baïkal, en passant par la nageoire caudale d’une baleine dans le Pacifique.
Ils s’accrochent aux anecdotes qui forgent l’aventure digne d’un roman de Jules Verne. On retiendra par exemple leur rencontre avec un Japonais de grande fortune mettant un point d’honneur à leur faire découvrir les plats les plus raffinés et luxueux du pays.
Ils s’accrochent aux noms qui forment les territoires, les noms indiens lors de la traversée américaine, pour ne pas les ignorer, ou, à l’inverse, s’interdisent de nommer les personnes rencontrées en Chine, des anonymes qui disent la dictature, la difficulté d’éditer, l’importance de la propagande, la culture mongole gommée, le Tibet effacé.
Ils s’accrochent encore aux proverbes qui viennent ponctuer le voyage d’humour ou d’ironie qui disent le temps présent à leur façon.
Ils s’accrochent enfin aux détails, le silence d’un thé dans un jardin de Kyoto, les remous d’un cargo sur le Pacifique, la poussière de Monument Valley, autant de couleurs, d’impressions, de descriptions qui construisent le temps de la déambulation.
Bien au-delà du simple intérêt de voyageurs conquis par la variété des pays traversés, le livre relate une perception du monde, celle d’écrivains ancrés dans leur temps.
Sylvie Zobda
- Vu : 2651