Terre errante, Liu Cixin (par Ivanne Rialland)
Terre errante, Liu Cixin, janvier 2020, trad. chinois Gwennaël Gaffric, 79 pages, 9 €
Edition: Actes Sud
Pour échapper à l’explosion annoncée du soleil, les Terriens décident d’arracher la planète à son orbite pour la lancer dans un long voyage dans l’espace à la recherche d’une nouvelle étoile.
À partir d’un tel argument, Liu Cixin aurait pu proposer un roman d’un millier de pages – à l’image de sa trilogie inaugurée en 2006 par Le Problème à trois corps (prix Hugo en 2015), déjà traduite par Gwennaël Gaffric, qui a ainsi permis la découverte en France de cet auteur majeur de la SF chinoise – on pourra lire sur ReS Futurae l’article qu’il a consacré en 2017 à l’œuvre de Liu Cixin : « La trilogie des Trois corps de Liu Cixin et le statut de la science-fiction en Chine contemporaine » (http://journals.openedition.org/resf/940). Dans Terre errante, novella écrite en 2000, Liu Cixin s’en tient à quelques dizaines de pages, qui ont pourtant la densité imaginaire d’une saga : on comprend que le cinéma ait pu être séduit par ce texte, adapté par Frant Gwo sous le titre de The Wandering Earth en 2019. Ce n’est pas que l’auteur accumule les péripéties. Il n’y a guère de personnages, à l’exception du narrateur, dont la vie et les sentiments sont eux-mêmes comme étouffés par l’ampleur des événements planétaires.
Le nœud du drame, en effet, est véritablement cosmique, puisqu’il s’agit d’échapper au flash d’hélium, supposé proche, qui transformera le soleil en géante rouge. Plus que la tension suscitée par cette attente, l’intensité et la singularité de l’atmosphère créée par le texte proviennent de l’altération des données les plus élémentaires de notre vie terrestre. Liu Cixin, comme dans Le Problème à trois corps, décrit d’inimaginables levers et couchers de soleil, des extrêmes de chaleur et de froid, des ciels jamais aperçus dont il parvient à nous transmettre, de manière sensible, le caractère proprement bouleversant.
Ce court récit nous fait ressentir avec une vivacité saisissante ce que pourrait être un changement radical de civilisation, dans sa dimension médusante. La poésie de ce monde apocalyptique, qui pourrait être l’étrange prélude d’un space opera projetant la Terre dans un voyage à travers l’espace, évoque par cette attention aux métamorphoses de la lumière, de l’eau, du climat, les fins du monde rêvées par J. G. Ballard, dans Le Monde englouti ou Sécheresse. Si le désastre mis en scène dans Terre errante ne paraît en rien lié à notre action sur l’environnement, on ne peut s’empêcher de lire le récit à la lumière des catastrophes écologiques annoncées et de l’impact majeur qu’elles auraient sur nos vies. La force à la fois poétique et spéculative du texte fait ainsi attendre avec impatience la parution de l’intégrale des nouvelles, annoncée par Actes Sud pour 2021.
Ivanne Rialland
Liu Cixin (né en 1963) est un important auteur chinois de science-fiction. Son premier roman traduit en français, Le Problème à trois corps, a obtenu le prix Hugo en 2015. Les deux volumes complétant la trilogie, La Forêt sombre et La Mort immortelle, ont été traduits en 2017 et 2018. Actes Sud annonce la parution de l’intégrale de ses nouvelles pour 2021.
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