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Tendre est la province, Thomas Morales (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché 09.01.25 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Editions des Equateurs

Tendre est la province, Thomas Morales, Éditions des Équateurs, octobre 2024, 240 pages, 19 €

Ecrivain(s): Thomas Morales Edition: Editions des Equateurs

Tendre est la province, Thomas Morales (par Philippe Chauché)

 

« Je déteste par-dessus tout que l’on piétine mon pré carré et moque mes aînés. J’ai de l’estime pour les miens, commerçants berrichons et forçats venus d’Andalousie. C’est pourquoi je relie la nostalgie à la province, parce qu’elle me semble être son terroir naturel. Son espace de réenchantement » (« Suis-je le dernier Dodo ? », Tendre est la province).

« Je me damnerai pour un merlan en colère et une tranche de persillé, une épaule d’agneau pommes boulangères, des paupiettes, un navarin, du tendron de veau à la tomate et des œufs meurette. Mon grand-oncle, empereur du boudin et de la tripaille, limougeaud et laudateur de la race limousine, débarquait avec des pâtés, des rillettes et rillons, un jambon à l’os d’excellence et un jambonneau aussi époustouflant qu’une strophe de Cocteau » (« Appétit sans frontières », Tendre est la province).

Les livres de Thomas Morales se suivent et se ressemblent, et c’est heureux. L’écrivain chroniqueur, le romancier journalier brille une nouvelle fois dans Tendre est la province, sa plume y est gourmande, gracieuse, brillante et piquante. Ses livres sont poivrés et salés, odorants et fleuris. Ce dernier fait l’éloge de la province, de sa province, le Berry, d’une France qui flirte avec les marges, les écrivains vipérins et les bombances débridées, ce qui fait bonne chair, fait bonne plume, et celle de Thomas Morales sonne parfois comme une réplique des Tontons flingueurs. Il ne ménage pas ces décideurs, ces urbanistes, ces paysagistes à la vue basse, et aux tympans fêlés. Thomas Morales a la nostalgie au bord des lèvres et des pages, la nostalgie est un pays que l’on ne choisit pas, nostalgies des escapades en mobs, puis au volant d’une 2 CV, la deudeuche que les moins de quarante ans n’ont même imaginée, nostalgie culinaire, cinématographique, et musicale. Écrire la province c’est lui offrir un nouvel enchantement littéraire, Thomas Morales n’est pas le premier, Giono est passé par là, comme un furet des lettres, Bosco l’oublié, qui romance la mémoire des pierres des maisons abandonnées du Luberon, et puis Vialatte, pour l’auteur qui fut journaliste de la PQR, la presse quotidienne régionale, ce nom stylé était tout un roman, il était notre Everest des monts d’Auvergne. Comme tout journaliste pétillant d’impatience éditoriale, il rêve de Bernard Frank, de Denis Tillinac, d’Éric Neuhoff ou de Patrick Besson, ces flibustiers des journaux. Tendre est la province est une carte littéraire, que l’on déplie, et que l’on déguste comme une carte routière, avant que d’un coup de gomme elle ne disparaisse. Thomas Morales cartographie la France, sa province, la Bretagne, la Corse, ses escapades sont un scintillement littéraire.

« Ce que j’appelle “populaire” est tissu vivant, entraides et empoignades, résidu argileux, braconne, cordelettes qui relient les uns aux autres, pot commun qui soude les générations passées et présentes, langue et canevas, Le Corniaud et Le Misanthrope, Jean-Pierre Rives et Yannick Noah, Aznavour et Chagrin d’amour, Ronsard et Guy Béart, Le Grand Meaulnes et La Grande Zoa » (« N’avoue jamais ! », Tendre est la province).

Thomas Morales est un moraliste au style brillant et coupant, il manie la plume comme un fleuret, avec légèreté, force et humour. Ses adversaires, ces avares de mots et d’admirations, en sont désarmés, et se replient sur une France rabougrie et vertueuse. Thomas Morales lui, galope à la manière du cheval d’un mousquetaire du Roi, et salue sur son passage ses provinces, ces pays nourris de fibre française, de vins et de viandes, de mots qui donnent à la langue sa richesse et ses couleurs. Il écrit en couleurs, contre l’envahissement du noir et blanc dans les Lettres Françaises, c’est un goûteur de mots, qui vous met en appétit.

 

Philippe Chauché

 

On doit à Thomas Morales quelques autres pépites : Paris-Berry, Nouvelle Vague (La Thébaïde) ; Ma dernières séance, Marielle, Broca et Belmondo (Pierre-Guillaume de Roux) ; Et maintenant, voici venir un long hiver, Monsieur Nostalgie https://www.lacauselitteraire.fr/monsieur-nostalgie-thomas-morales-par-philippe-chauche et Les Bouquinistes (Héliopoles).



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A propos de l'écrivain

Thomas Morales

 

Thomas Morales est journaliste, critique et écrivain.

 

A propos du rédacteur

Philippe Chauché

 

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Rédacteur

Domaines de prédilection : littérature française, espagnole, du Liban et d'Israël

Genres : romans, romans noirs, cahiers dessinés, revues littéraires, essais

Maisons d’édition les plus fréquentes : Gallimard, Minuit, Seuil, Grasset, Louise Bottu, Quidam, L'Atelier contemporain, Tinbad, Rivages

 

Philippe Chauché est né en Gascogne, il vit et écrit à St-Saturnin-les-Avignon. Journaliste à Radio France durant 32 ans. Il a collaboré à « Pourquoi ils vont voir des corridas » (Editions Atlantica), et récemment " En avant la chronique " (Editions Louise Bottu) reprenant des chroniques parues dans La Cause Littéraire.

Il publie également quelques petites choses sur son blog : http://chauchecrit.blogspot.com