Tempéraments philosophiques, de Platon à Foucault, Peter Sloterdijk
Tempéraments philosophiques, de Platon à Foucault, traduit de l’allemand par Olivier Mannoni, janvier 2014, 160 p. 7,50 €
Ecrivain(s): Peter Sloterdijk Edition: Fayard
Dis-moi quelle est ta philosophie, je te dirai qui tu es…
Ce petit livre est un recueil de préfaces que Peter Sloterdijk signa, en tant qu’éditeur, dans le cadre d’une collection dont le but était de présenter les auteurs et leur philosophie en leur donnant la parole, c’est-à-dire en offrant un choix de leurs textes annotés par « un certain nombre d’excellents érudits ». Réunis, alors que là n’était pas leur vocation, ces courtes présentations de sept pages en moyenne, dessinent, selon les propres mots du philosophe allemand, « non pas une histoire de la philosophie, mais tout de même une galerie d’études de caractères ». Son titre, quant à lui, renvoie à l’idée que les philosophies vers lesquelles nous nous portons constituent des indicateurs de qui nous sommes, des miroirs, en quelque sorte : « la philosophie que l’on choisit dépend de l’homme que l’on est ». Dix-neuf philosophes, majoritairement allemands, nous sont présentés, par ordre chronologique. L’occasion de constater « que l’éventail des tempéraments philosophiques […] a la même étendue que celle de l’âme éclairée par le logos » : il est illimité.
On commence avec Platon – comment pourrait-il en être autrement ? – puisque la philosophie idéaliste européenne découle des textes de ce disciple de Socrate et qu’il faudra attendre le XIXe siècle, avec Schopenhauer et Nietzsche notamment, pour « s’arracher à ces ancrages ». La philosophie de Platon est celle qui marque la frontière entre une tradition du savoir oral, « tradition musicale et rapsodique » et la « manière récente de se procurer le savoir, passant par la prose et la communication ». C’est aussi le passage à une philosophie critique, qui refoule les mythes, repose sur l’argumentation et la construction dialectique. Aristote, élève de Platon, est envisagé comme philosophe ayant, par l’étendue de ses centres d’intérêts, anticipé dans son être même ce qui deviendra, à partir du Moyen-Âge, l’Université.
Parmi les philosophes français présentés, Pascal apparaît comme « une âme parente » des penseurs de l’existentialisme chrétien et non chrétien alors que Nietzsche voyait en lui « la réincarnation suprême du génie augustinien sur le terrain des Temps modernes ». Sartre est lui considéré comme le dernier héros européen des philosophies de la liberté ayant vécu la sienne de manière « abyssale ».
Schopenhauer occupe une place d’importance pour avoir accompli « une rupture révolutionnaire » dans la pensée du XIXe siècle en donnant leur congé « aux théologies grecques et judéo-chrétiennes ». De Nietzsche, Peter Sloterdijk retient ses tentatives visant à reformuler « l’esprit des lois morales conformément à l’ère actuelle ».
Il ne s’agit pas pour Peter Sloterdijk de proposer une « introduction à la philosophie » supplémentaire – genre actuellement à la mode – mais bien plutôt de nous amener à penser avec les figures présentées et à aller puiser dans leurs œuvres, comme il le fait, ce qui relève de nos préoccupations personnelles et de nous permettre ainsi, d’actualiser notre propre réflexion.
Arnaud Genon
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