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Tchaïkovski et le mannequin d’or, Jean-Maurice de Montremy (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché 16.10.24 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman

Tchaïkovski et le mannequin d’or, Jean-Maurice de Montremy, éditions Le Condottière, septembre 2024, 236 pages, 19 €

Tchaïkovski et le mannequin d’or, Jean-Maurice de Montremy (par Philippe Chauché)

« Cet été 1984, je logeais dans une chambre dont les fenêtres donnaient sur le rio del Val, par lequel on accède au palazzo, presque un rio privatif. On la nomme chambre aux Livres, car il s’y trouve une magnifique bibliothèque. J’appris bientôt – ce récit le montrera – que cette chambre avait été celle d’un hôte de marque, voici presque un siècle ».

Nous sommes à Venise en juin 1893 où séjourne clandestinement Piotr Ilitch Tchaïkovski, ce roman flamboyant en est le récit romanesque. À Venise au Palazzo Merhi, propriété de l’étrange médecin Basil Bartovitch Barparoz, il va tenter de se guérir d’un amour impossible, tout en travaillant à un projet d’opéra-ballet, Le mannequin d’or. Le roman de Jean-Maurice de Montremy se nourrit d’archives découvertes dans une malle aux mille secrets, contenant des histoires, des lettres, des papiers plus ou moins froissés qu’une main experte dérobait dans les corbeilles à papier pour le seul plaisir de Barparoz, il se nourrit aussi du journal du compositeur : « Au palazzo, tout le monde lit tout le monde ; tout le monde se cache mais montre qu’il se cache… ».

Et l’on croit à cette histoire du mannequin d’or, où tout est faux, donc tout est vrai, les faux semblants du roman sont ici la vérité de la vie du compositeur. Tchaïkovski et le mannequin d’or s’ouvre comme l’on ouvre une malle contenant des boites colorées à secrets. L’aventure du roman se joue entre quatre murs face à ce rio privatif où glisse un vaporetto, le même peut-être qu’empruntera le compositeur quand il quittera définitivement Venise. On imagine alors Tchaïkovski revenant tout aussi clandestinement à Venise pour y rendre son dernier souffle, et son cercueil musical emprunter le même vaporetto pour sa dernière demeure au cimetière de San Michele et y attendre Igor Stravinsky et Luigi Nono, on s’imagine alors ce qu’ils auraient à se dire !

« Mon habitude des chancelleries, dont le style est par nature indirect, ne fut pas inutile pour distinguer le vrai du faux dans les méandres de la demeure vénitienne ; pour débrouiller cet écheveau d’espionnage et de contre-espionnage amoureux qui, sous les toits du palazzo, semblent s’être substitués aux égarements des cœurs et de l’esprit ».

Le narrateur est lui aussi constitué de vrais et fausses identités, on apprend qu’il se rêva musicien, mais qu’un amour perdu lui fit changer de direction, on le retrouve, sans en savoir guère plus, dans les Affaires Étrangères, puis prenant finalement le chemin du Consortium familial, pas étonnant alors qu’il sache avec autant de talent manipuler des archives ignorées, cachées, transformées ou tout simplement inventées. L’écrivain a le talent de nous offrir un puzzle vénitien des rêves, des obsessions et des passions de Tchaïkovski. L’auteur ressemble à un magicien des lettres, des chapeaux, dont il tire des histoires, où d’autres font surgir des lapins blancs.

S’il ne fallait conserver qu’une seule histoire, qu’une seule situation romanesque, nous garderions celle du bal costumé de la Saint-Jean. Une apothéose romanesque vénitienne qui pourrait devenir, sous la main du compositeur, cet opéra-ballet qui donne son titre au roman.

Dans Tchaïkovski et le mannequin d’or on croisera des princes, l’amant rêvé et volage du compositeur russe, un mannequin, une chanteuse d’opéra, et le maître d’œuvre de ce théâtre de marionnettes : Tchaïkovski.

 

Philippe Chauché

 

On doit notamment à Jean-Maurice de Montremy une suite romanesque, « Les îles étrangères » : Les hivers et les printemps (Le Condottière), Miroirs et songes, Bilkis (Le Rocher), mais aussi un essai : Rancé, Le soleil noir (Le Condottière).

Piotr Ilitch Tchaïkovski né en 1840 à Votkinsk, mort en 1893 à Saint-Pétersbourg, a composé dix opéras, dont La Dame de pique, trois ballets, dont Casse-Noisette, six symphonies, dont la Sixième dite Pathétique qui irrigue ce roman.



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A propos du rédacteur

Philippe Chauché

 

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Rédacteur

Domaines de prédilection : littérature française, espagnole, du Liban et d'Israël

Genres : romans, romans noirs, cahiers dessinés, revues littéraires, essais

Maisons d’édition les plus fréquentes : Gallimard, Minuit, Seuil, Grasset, Louise Bottu, Quidam, L'Atelier contemporain, Tinbad, Rivages

 

Philippe Chauché est né en Gascogne, il vit et écrit à St-Saturnin-les-Avignon. Journaliste à Radio France durant 32 ans. Il a collaboré à « Pourquoi ils vont voir des corridas » (Editions Atlantica), et récemment " En avant la chronique " (Editions Louise Bottu) reprenant des chroniques parues dans La Cause Littéraire.

Il publie également quelques petites choses sur son blog : http://chauchecrit.blogspot.com