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Articles taggés avec: Chauché Philippe

Judée, Didier Ben Loulou (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 25 Août 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Arts, Recensions, Voyages, La Table Ronde

Judée, Didier Ben Loulou, La Table Ronde, juin 2023, 96 pages, 24 € . Ecrivain(s): Didier Ben Loulou Edition: La Table Ronde

« Chaque grain de sable du désert de Judée est une particule recrachée des poumons de l’Histoire de l’humanité » (Dr. Guila Clara Kessous, Artiste de l’Unesco pour la paix, Préface).

« La Judée, c’est le désert antérieur à tout discours, l’oasis de liberté au cœur du monde, de ses paroles inutiles et de ses inquiétudes étouffantes » (Didier Ben Loulou).

Les grands photographes, comme d’ailleurs les grands écrivains, écrivent avec leur œil, et leur oreille. Leurs images sont des pages lumineuses, leur pages éclairent notre regard. Ils écrivent ce qu’ils voient et ce qu’ils entendent, ils photographient ce qui leur apparaît, ce qu’ils entendent de la nature et des hommes, de leur affût. Depuis plus de quarante ans, Didier Ben Loulou marche sur sa terre d’Israël, où sur celles qui l’accueillent en Méditerranée. Depuis plus de quarante ans, il apprivoise des paysages, des visages, des vestiges, des traces, des éclats de vie, le silence de la mer et du ciel. Judée s’ouvre sur la photo d’un chemin entouré de graminées jaunies par le soleil, dans un coin de la photographie, le bleu éclatant du ciel et dans l’autre, la pierre millénaire. Judée est un album de la terre et des hommes, là un chardon bleu, ici un berger bédoin appuyé sur son bâton d’arpenteur scrute l’horizon, peut-être une brebis égarée, le ciel hésite entre le gris et le bleu, plus loin un cyprès se détache d’un ciel partagé entre le blanc et le gris, ou encore cette pierre tombale libérée de son manteau de neige.

Céline, Romans en La Pléiade (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 13 Juillet 2023. , dans La Une CED, La Pléiade Gallimard, Les Chroniques, Les Livres, Roman

Céline, Romans 1932-1934 (1), Romans 1936-1947 (2), Album Louis-Ferdinand Céline, Frédéric Vitoux, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, mai 2023, 1552 pages, 1952 pages, 149 € le coffret jusqu’au 31/12/2023

« Le travail, l’écriture sous le signe de la grand-mère, on ne saurait mieux dire. L’écriture pour distinguer le vrai du faux. Ou l’émotion du frelaté. La modeste besogne du styliste à l’écart des charlatans de la littérature… Tout est là ! » (Frédéric Vitoux).

« Les intervalles provoqués par la dislocation de la phrase sont partout là pour suggérer ce que les mots sont impuissants à dire. Qu’il s’agisse de laisser vibrer une note, de suppléer ce qui n’a pas été dit, ou seulement d’attendre, en retenant son souffle, que la parole reprenne, ces silences si spectaculaires dans l’écriture célinienne sont une des justifications les plus sûres du nom qu’il lui donne de musique » (Henri Godard, Préface).

« C’est la première fois dans cette mélasse d’obus qui passaient en sifflant que j’ai dormi, dans tout le bruit qu’on a voulu, sans tout à fait perdre conscience, c’est-à-dire dans l’horreur en somme. Sauf pendant les heures où on m’a opéré, j’ai plus jamais perdu tout à fait conscience. J’ai toujours dormi ainsi dans le bruit atroce depuis décembre 14. J’ai attrapé la guerre dans ma tête. Elle est enfermée dans ma tête » (Guerre).

Un vent les pousse, Frédéric Bécourt (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Mardi, 20 Juin 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman

Un vent les pousse, Frédéric Bécourt, Accro Editions, mars 2023, 208 pages, 19 €

 

« L’admiration de Gilles pour sa fille ne connaissait aucune limite. Elle était sa principale force et sa plus grande faiblesse. La source de toutes ses joies, aussi, et l’unique objet de ses angoisses ».

Un vent les pousse est le roman d’une folie, d’une folie administrative et sociale qui va frapper un père et sa fille. Pour quelques mots échangés entre deux jeunes enfants dans la cour de leur école, la machine éducative va s’échauffer et entrer en fusion. La petite Chloé âgée de 5 ans est accusée par une enseignante d’avoir tenu des propos racistes envers un autre enfant, Souleymane : Laisse-moi, tu sens mauvais, … Rentre chez toi, ou rentre à ta maison. Dans les temps du roman, ministère, inspecteurs et enseignants veillent au grain, au bon grain, et à bien le séparer de l’ivraie. Pour cela un protocole est activé, et l’enfant doit être soumise à des tests psychologiques, la vigilance est de tous les instants, chaque mot et réaction des enfants pesés sur la balance sociale.

L’usure d’un monde, Une traversée de l’Iran, François-Henri Désérable (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 16 Juin 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Récits, Voyages, Gallimard

L’usure d’un monde, Une traversée de l’Iran, François-Henri Désérable, Gallimard, mai 2023, 160 pages, 16 € . Ecrivain(s): François-Henri Désérable Edition: Gallimard

 

« La terre craquelée, les dunes de sable, les crêtes rocheuses, l’ocre et le beige, coupés quand vient le soir d’un vert cendreux… Il faudrait être au moins Lawrence d’Arabie pour décrire le désert. J’aimerais savoir le faire. Je ne sais pas. Il doit y avoir comme ça quelques paysages seulement faits pour être vus ».

« L’agrément dans ces lents voyages en pleine terre, c’est – l’exotisme une fois dissipé – qu’on devient sensible aux détails, et par les détails, au provinces. Six mois d’hivernage ont fait de nous des Tabrizi qu’un rien suffit à étonner » (1).

L’usure d’un monde doit beaucoup au récit de Nicolas Bouvier – L’Usage du monde est devenu ma Bible – notamment celui de la traversée de l’Iran, découvert par l’écrivain à l’âge de vingt-cinq-ans, et comme lui, il va se rendre en Iran pour prendre la vraie mesure du monde, en même temps que son pouls.

Aux Îles Kerguelen, Laurent Margantin (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Lundi, 05 Juin 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Voyages, Tarmac Editions

Aux Îles Kerguelen, Laurent Margantin, éditions Tarmac, mars 2023, 142 pages, 16 € Edition: Tarmac Editions

 

« Il pleut trois cent soixante jours par an à Kerguelen. Donc hier il pleuvait. Et aujourd’hui également. Et il y a de fortes chances qu’il pleuve encore demain. Vivrai-je ici une des cinq journées de l’année sans pluie ? En attendant ce jour lointain, ma fenêtre est un mur de pluie, et donc pour le paysage il faudra attendre aussi. Je lis Moby Dick assis à la petite table que j’ai placée face au mur de pluie. Je bois du thé ».

Laurent Margantin a pris le bateau pour prendre le large depuis la Réunion jusqu’aux Îles Kerguelen, l’autre bout du monde pour un écrivain. Laurent Margantin n’est pas parti pour écrire, ou si peu, mais pour lire, il invente dans ce petit livre saisissant une résidence de lecture dans la tourmente – Intensités de la lecture quand on lit la nuit. Il n’y a que le livre – les mots et les phrases se déployant – et soi – ou plutôt sa rêverie. Avec lui dans ses cantines marines, embarquent : Kafka (1), Moby Dick, René de Chateaubriand, Les îles de Jean Grenier, Dostoïevski, Le Tour du monde en 80 jours, Simenon. Comme un écrivain lisant et relisant ses cahiers et ses prémices de roman, Laurent Margantin lit et relit les livres qui l’accompagnent.