Sur la terre des vivants, Deborah Levy-Bertherat (par Alix Lerman Enriquez)
Sur la terre des vivants, Deborah Levy-Bertherat, Rivages, avril 2023, 384 pages, 21 €
Ecrivain(s): Déborah Lévy-Bertherat Edition: Rivages
Sur la terre des vivants est une fresque familiale qui retrace, à travers le vingtième siècle, la destinée des arrière-grands-parents paternels de l’auteure, Elkan et Fiete Levy, gérants d’un hospice (Altenhaus) sur les rives de l’Elbe à Hambourg et parents d’une nombreuse fratrie.
Mais ce livre évoque plus particulièrement le destin rocambolesque de leur fille cadette Irma, femme rebelle, indomptée. L’ouvrage commence d’ailleurs par le récit de sa naissance en 1903, et s’achève au soir de sa vie. Petite sœur du grand-père Kurt, Irma Levy, survivante du camp de concentration, est animée d’un caractère bien trempé et tournera toute sa vie le dos aux conventions et aux traditions. Ainsi, elle refusera de se marier comme le veut la tradition juive et gardera toujours son esprit espiègle d’enfant malgré les épreuves terribles qui jalonnent son existence comme sa détention au camp de Theresienstadt, « … la forteresse est un vaste hôpital, un asile de fous et les vingt-neuf camarades du dortoir arrivent parfois à en rire. Entre elles, pour plaisanter, elles appellent Theresienstadt : “chez Marie-Thérèse” ou “chez l’impératrice”. Elles évitent le mot humiliant de ghetto ».
Irma, femme maigre et sans grâce, ressemble à son héros de bois Pinocchio (Hippeltitsch) : « Encore une fois, son histoire ressemble à celle du pantin de bois, qui se fait voler ses pièces d’or et qu’un juge-gorille jette en prison à la place des voleurs. Justement son livre de Hippeltitsch, auquel elle tenait tant, lui a été pris ». Comme Pinocchio, elle est drôle et intrépide, aime faire des farces mais malgré son apparente désinvolture, celle qui deviendra infirmière et soignera les malades au camp de Theresienstadt, a le sens du devoir et un courage extraordinaire :
À travers cette figure féminine singulière, c’est la mémoire de tout un peuple que l’écrivaine a voulu honorer. Comme à la fin du récit de Carlo Collodi où le pantin Pinocchio se métamorphose en petit garçon en chair et en os, la vie reprend ses droits, renaît de ses cendres après l’horreur des camps de concentration, la stupeur et l’immobilité de la mort. Ainsi, Sur la terre des vivants est un véritable hymne à la vie, un pied de nez à cette volonté d’anéantissement ordonnée par la barbarie nazie.
Alix Lerman Enriquez
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