Suites impériales, Bret Easton Ellis
Suite(s) Impériale(s) Robert Laffont – pavillons, 2010, 228 pages, 19 €)
Ecrivain(s): Bret Easton Ellis Edition: Pavillons (Poche)Résumé des épisodes précédents. Il y a 25 ans, Bret Easton Ellis publie son premier roman, Moins que zéro. Le livre est encensé par la critique, Bret Easton Ellis est estampillé culte, porte-parole d’une génération qui ne croit plus en rien.
Ouvrage après ouvrage, il confirme. Les lois de l’attraction, American Psycho, Glamorama, Lunar Park : chacun des livres devient un événement éditorial. Bret Easton Ellis est l’un des plus grands écrivains contemporains. Ses ventes atteignent des chiffres vertigineux.
Avant de lire son dernier ouvrage, Suite(s) impériale(s), il est quand même conseillé de se replonger dans le premier, dont il est la suite directe. 25 ans plus tard, Bret Easton Ellis retrouve son héros, Clay, toujours incapable d’aimer et qui regarde le monde avec une distanciation cynique, comme s’il n’y appartenait pas vraiment.
Le livre débute par une brillante mise en abyme. Clay est devenu scénariste. Il aurait aimé être écrivain, mais la place a déjà été prise par l’une de ses connaissances qui a écrit un livre qui racontait sa vie et celle de ses proches. Le livre : Moins que zéro. L’auteur a révélé des secrets. Clay pense qu’il s’est fait voler le livre qu’il aurait pu écrire, même si, au fond de lui, il sait qu’il n’a ni le talent, ni la motivation pour ça.
Un soir, tous les personnages dont le livre s’est inspiré assistent à la projection du film adapté du livre. Un produit toc, très années 80, plein de bon sentimentalisme hollywoodien. Dans le film, l’un des personnages, Julian, est tué. Mais c’est un écart avec la réalité, car Clay nous explique que Julian n’est pas mort d’une overdose dans une décapotable rouge, mais vingt ans plus tard, au moment de Suite(s) impériale(s), dans des circonstances qui rappellent étrangement un passage de Moins que zéro…
Suite(s) impériale(s) raconte l’histoire d’un mort. Comment Julian est-il mort ? Le procédé rappelle celui du film Sunset Boulevard de Billy Wilder, chef d’œuvre sur les coulisses hollywoodiennes qui débute par un homme noyé dans une piscine qui raconte en voix off comment il a été tué. Un film expressément cité quand le héros se retrouve un moment devant une affiche du film.
Pour évoquer cette mort, Clay va d’abord parler de lui car il ne sait parler que de lui, il ne s’intéresse qu’à lui. Les autres, ils peuvent éventuellement lui servir. Il revient à Los Angeles après un séjour à New York. Plus événements étranges se produisent alors. Une Jeep bleue le suit partout où il va. Il reçoit des SMS de correspondants inconnus avec des messages du type « Je t’ai à l’œil ». Des objets sont déplacés dans son appartement.
Alors que Lunar Park, le précédent ouvrage d’Ellis, était une satire sur fond de roman fantastique à la Stephen King, Suite(s) impériale(s) est une satire (tous les livres d’Ellis sont des satires) mâtiné de roman noir dans la veine de Raymond Chandler, dont une citation ouvre le livre.
Bret Easton Ellis, c’est un peu la même chose à chaque livre, mais ça marche. L’homme est ultra brillant. Son style frappe de manière sèche et précise, comme un uppercut. Quel que soit le genre qu’il explore, il regarde toujours le monde avec un humour très noir et nous renvoie à nous-mêmes. Est-ce que nous ne sommes pas tous, au fond, un peu des personnages de Bret Easton Ellis ?
PS : Cher Bret Easton Ellis : si quelqu’un vous envoie un SMS en expéditeur inconnu, vous ne pouvez pas lui répondre, puisqu’étant « inconnu », son numéro n’apparaît pas.
Yann Suty
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