Souffles - Sur cette terre, assez de haines !
En ce dernier jour de l'an 2013 et au commencement d'un autre, 2014, je médite sur la réalité cauchemardesque du monde arabo-musulman et je suis triste, je suis fatigué ! La Syrie balance dans la bestialité humaine sans précédente, la Libye plonge dans l'âge des ténèbres, la Tunisie se noie dans l'incertitude et dans la peur islamiste, l'Egypte se donne à l'inconnu ouvert à toutes les probabilités improbables, le Soudan tombe dans la déchirure et dans la tribalité...
Et pourtant ce monde arabo-musulman est riche. Riche en tout, riche de tout, riche par tout : le pétrole, la nature, les terres et les mers. Toutes les mers de toutes les couleurs : noir, rouge, bleu, morte et océans.
Et il est riche, ce monde arabo-musulman, d'intolérance et de haines. Et il est pauvre ce monde arabo-musulman, en amour et en culture du respect de l'autre. Pourquoi ce monde arabo-musulman est-il pauvre en matière d'amour et en valeurs de respect de la différence? Tout d'abord, parce que ce monde arabo-musulman a mal traduit ou dans les meilleurs des cas n'a pas assez traduit dans les domaines de la littérature, de la philosophie, de la religion et de l'histoire. Seule la traduction, la bonne traduction, est adroite à ouvrir, à creuser des fenêtres de lumière dans les murailles aveugles qui ceinturent les têtes et les vies individuelles et collectives, cela perdure depuis le douzième siècle. Seule la bonne traduction est capable de casser l'isolement et le sentiment d'autosuffisance maladive. Le monde arabo-musulman est appelé à écouter l'autre. Ecouter ne signifie pas soumettre. Ecouter c'est un acte de partage. Partager le patrimoine des valeurs humaines.
En 2013, le monde arabo-musulman a sombré, un peu plus, dans le noir, dans la sauvagerie politique, dans la culture du sang. Et dans ce paysage effrayant, on signale le désistement de l'intellectuel, l'absence de la liberté d'expression, le retour au discours religieux fanatique. Le retour des émirs de guerres et les contrebandiers d'armes. L'arabe comme langue est, de plus en plus, confisquée par le religieux, moins de création, plus de fatwas.
En la tombée du rideau d'une année, l'an des vaches maigres et le début d'une autre que nous souhaitons celle des vaches laitières, je pense, je ne sais pas pourquoi, à "l'Hymne à la joie" poème de Schiller, connu comme finale du quatrième et dernier mouvement de la 9e symphonie de Beethoven, je pense à cet "Hymne à la joie" et je me demande pourquoi cette ode à la joie a été chantée dans toutes les langues du monde excepté la langue arabe ?
En ce début de 2014 je vous souhaite, chères lectrices, chers lecteurs, toute la joie et tout le bonheur.
Amin Zaoui
Publié dans Liberté le 02 - 01 - 2014
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