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Sommes-nous condamnés à perpétuité par la religion ?, par Amin Zaoui

Ecrit par Amin Zaoui le 25.01.17 dans Chroniques régulières, La Une CED, Les Chroniques

Sommes-nous condamnés à perpétuité par la religion ?, par Amin Zaoui

 

Entre nous et l’Histoire, le chemin est brouillé. Les musulmans sont obsédés par leur passé. Un passé qui ne bouge point. Figé. Inerte. Un passé, poids, fardeau, qui, à son tour, ne fait pas bouger ces musulmans, ses acteurs. Pour les musulmans, l’Histoire est l’équivalent du passé. Religieusement, ils regardent leur passé, avec glorification, avec adoration, hallucination, fascination, avec obsession, sans réflexion aucune, sans critique. Aveuglément.

Le passé n’est pas l’Histoire. Les autres nations étudient leur Histoires afin de ne pas retomber dans leur passé. Afin d’éviter la stagnation, la décomposition, de putréfaction. Pour ne pas se baigner une nouvelle fois, une deuxième foi, dans la même eau usée, sale. Les Arabes et les musulmans en général reviennent à leur Histoire afin d’y rester, d’habiter leur passé. Habiter le passé pour toujours. Retourner au passer, chez les musulmans, c’est pour faire revenir ce passé dans leur présent. Pour faire de ce passé un projet de leur société future !

Pourquoi ce retour des musulmans vers leur passé afin d’y habiter ? Tout simplement parce que le musulman a peur pour sa religion. Il veut la garder vierge. Comme elle l’était aux premières années de la révélation ! Le musulman a peur pour son Dieu ! Ainsi, le musulman est habité par la peur du futur et la peur de l’autre, la peur du changement. Il se considère, il se voit, il s’imagine comme en état de guerre sainte continue ! Les musulmans, dans leur tête, sont en guerre sainte, déclarée ou muette, depuis quinze siècles ! Le passé musulman pour les musulmans est inoxydable ! Et dans cet état d’inoxydabilité réside la décadence de la société musulmane. Les musulmans avancent à pas sûrs et hâtives mais vers l’arrière ! Dans le sens inverse de l’Histoire. Les musulmans n’analysent pas leur Histoire, ils essayent de la reproduire, en vain ! “Lire” l’Histoire (je mets le mot lire entre guillemets), pour les musulmans, n’est pas un acte pour la prendre en leçon qui aide à l’avancement vers un futur meilleur, pour éviter les guerres, pour bannir les haines, pour semer la diversité, pour surmonter le sous-développement, mais au contraire cette “lecture” est une sorte de promenade continuelle dans un jardin imaginaire, fictif. Une randonnée perpétuelle pour se vanter des mérites qui sont dépassés, périmés. Les musulmans ont lu, et continuent à lire leur l’Histoire avec une mentalité chevaleresque : Sabre. Sable. Cheval. Honneur. Chasse. Vengeance. Expansion. Les musulmans “lisent” leur histoire politique, par exemple, la période d’el khoulafas arrachidine (les Califes guidés), en pensant que tout était blanc ! Propre. Juste. Positif. Paradis. Et ils veulent la transporter et la transplanter dans leur temps. Mais l’Histoire nous démontre que ce n’était pas le cas : pourquoi un tel Calife à été assassiné, pourquoi l’autre a été empoisonné, pourquoi cette guerre entre eux… Les musulmans “lisent” les hadiths en pensant que tout ce qui a été dit, écrit dans les livres est sacré !! et ils n’ont pas le courage intellectuel de faire le nettoyage dans ces textes religieux, oubliant que beaucoup de ceux qui se sont donnés à l’écriture des hadiths n’étaient que des pions, des nègres ou des serviteurs du Prince. Le texte religieux n’est pas innocent, politiquement parlant. Dans tous leurs actes historiques, culturels et même scientifiques, les musulmans étaient prisonniers, en proie à la vision totalitaire religieuse et le sont toujours. Le temporel a été éliminé, chassé. Le sens de la critique est absent. La colère prend le dessus sur la raison. Le fanatisme à la place de la spiritualité. La fainéantise et la paresse à la place du travail. En Algérie, on raconte l’anecdote suivante et qui symbolise cette religiosité maladive ancrée dans la société : dans les années quatre-vingt-dix, et à l’occasion du Salon international du livre d’Alger, les Algériens achetaient tout livre composé de plusieurs tomes et dont la reliure est hautement religieuse : Tarikh Al Tabari ou Sahih el Boukhari ou Sira d’Ibn Hicham… de ce fait ils ont acheté le “Capital” de Karl Marx dont la reliure ressemble à celle des livres religieux ! Cette situation qui perdure dans le monde musulman a fini par produire et reproduire une société condamnée à perpétuité par le poids de la religion. Enfanter un individu religieux dans ses actes, son imaginaire et dans sa langue. Une société hypocrite, recroquevillée sur elle-même et consommatrice, avec un individu vidé de tout sentiment de citoyenneté, un individu candidat à tous les genres de suicide religieux.

 

Amin Zaoui

 


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A propos du rédacteur

Amin Zaoui

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Rédacteur


Amin Zaoui est un écrivain algérien né le 25 novembre 1956 à Bab el Assa (Algérie). il écrit chaque jeudi deux articles un en arabe dans le quotidien arabophone echorouk et en français dans le quotidien francophone liberté.

 

 

 

1984-1995 : enseignant à l’université d'Oran (département des langues étrangères)

1988 : Doctorat d'État en littératures maghrébines comparées

1991-1994 : directeur général du Palais des Arts et de la Culture d’Oran

2000-2002 : enseignant à l’université d’Oran (département de la traduction)

2002-2008 : directeur général de la Bibliothèque nationale d'Algérie

2009 : membre du conseil de direction du Fonds arabe pour la culture et les arts (AFAC)

Conférencier auprès de plusieurs universités : Tunis, Jordanie, France, Grande-Bretagne.

 

Publications en français

Les romans d’Amin Zaoui ont été traduits dans une douzaine de langues : anglais, espagnol, italien, tchèque, serbe, chinois, persan, turque, arabe, suédois, grec…

 

Sommeil du mimosa suivi de Sonate des loups (roman), éditions le Serpent à plumes, Paris, 1997

Fatwa pour Schéhérazade et autres récits de la censure ordinaire (essai collectif), éditions L'Art des livres, Jean-Pierre Huguet éditeur, 1997

La Soumission (roman), édition le Serpent à Plumes, Paris, 1998 ; 2e édition Marsa, Alger. Prix Fnac Attention talent + Prix des lycéens France

La Razzia (roman), éditions le Serpent à Plumes, Paris, 1999

Histoire de lecture (essai collectif), éditions Ministère de la Culture, Paris, 1999

L’Empire de la peur (essai), éditions Jean-Pierre Huguet, 2000

Haras de femmes (roman), éditions le Serpent à Plumes, 2001

Les Gens du parfum (roman), éditions le Serpent à Plumes, Paris, 2003

La Culture du sang (essai), éditions le Serpent à Plumes, Paris, 2003

Festin de mensonges (roman), éditions Fayard, Paris, 2007

La Chambre de la vierge impure (roman), éditions Fayard, Paris, 2009

Irruption d’une chair dormante (nouvelle), éditions El Beyt, Alger, 2009

 

En arabe

 

Le Hennissement du corps (roman), éditions Al Wathba, 1985

Introduction théorique à l’histoire de la culture et des intellectuels au Maghreb, éditions OPU, 1994

Le Frisson (roman), éditions Kounouz Adabiya, Beyrouth, 1999

L'Odeur de la femelle (roman), éditions Dar Kanaân, 2002

Se réveille la soie (roman), éditions Dar-El-Gharb, Alger, 2002

Le Retour de l'intelligentsia, éditions Naya Damas, Syrie, 2007

Le Huitième Ciel (roman), éditions Madbouli, Égypte, 2008

La Voie de Satan (roman), éditions Dar Arabiyya Lil Ouloume, Beyrouth ; éditions El Ikhtilaf, Alger, 2009

L'Intellectuel maghrébin : pouvoir - femme et l’autre, éditions Radjai, Alger, 2009