Soleil noir, Armèle Malavallon
Soleil noir, éd. Les Nouveaux Auteurs, février 2015, 323 pages, 19,95 €
Ecrivain(s): Armèle Malavallon
Une bonne façon de faire disparaître un corps humain, lorsque l’on a besoin de s’en débarrasser sans laisser de trace, peut consister à le brûler. Mais cela prend du temps car un corps, c’est bien connu, cela ne brûle pas tout seul. Cela ne brûle pas tout seul ? Pas si sûr ! Des fois ça brûle sans que l’on sache pourquoi. Combustion spontanée, dit-on. Surtout combustion inexplicable. La chose est rare, voire rarissime, mais pas unique, et l’énigme de ces corps calcinés reste entière dans les annales, ce depuis quelques siècles déjà.
Mais un événement inexplicable une fois, ça va. Quand il y en a un deuxième et un troisième dans la même ville à quelques jours d’intervalle… la croyance dans l’inexplicable ne suffit vraiment plus ! L’inexplicable est forcément explicable et les soi-disant lois des séries ne peuvent être que celles d’un tueur, d’un assassin qui doit bien avoir un mobile.
C’est armés de cette conviction, pas toujours très solide, que le commandant Hippolyte Peyot, dit Popeye, et son nouvel adjoint Thomas Domingo, vont mener leur enquête dans la ville de Montpellier écrasée par la chaleur de l’été. C’est qu’il serait tentant, quand les explications manquent, autant sur le procédé que sur les mobiles, de finir par accepter l’idée qu’il y a là du surnaturel, ou pour le moins de l’incompréhensible, « dans l’état actuel de nos connaissances » comme l’on dit lorsque l’on veut être scientifiquement prudent, voire scientifiquement correct. Quand le réel se fait insaisissable, l’imaginaire a vite fait de remplacer un tueur en série par un Ange purificateur, un « Seraphim » aux ailes de feu… Cette tentation de l’irrationnel, d’un mysticisme dangereusement illuminé, l’auteur nous le livre dès la scène d’ouverture, et la rationalité policière et scientifique aura à batailler pour trouver le début d’un fil dans cette affaire qui se refuse à en être une.
Pour ce premier roman, apprécié et récompensé par un jury de lecteurs, Armèle Malavallon, vétérinaire de son état, a choisi le registre du roman policier tendu sur une énigme scientifique solidement documentée, mais surtout où elle donne vie et couleur à des personnages qui sortent des clichés habituels de policier ou de privés. Soleil noir n’est pas qu’un « whodunit », il est aussi le récit d’une ébauche d’amitié au-delà des rôles et des apparences des uns et des autres. Popeye, le commandant Peyot, n’est pas qu’un flic taciturne et tranchant à la carrure de rugbyman. C’est aussi ce que découvrira le capitaine Thomas Domingo, qui devra accepter de subir le surnom que lui a attribué le premier témoin de cette affaire, une mamie copine et voisine de la première victime pour qui un Domingo ne peut-être que Placido.
Il y a un plaisir d’écriture manifeste dans la façon dont les situations et les personnages vivent dans ce récit, par petites touches précises et justes. Les mots dialogues et les images nous font entendre et voir les scènes comme au cinéma (on ne serait pas surpris de voir le livre adapté à l’écran), nous entraînant sans résistance vers la résolution de l’énigme. Une écriture sans afféterie qui sait nuancer les registres pour instiller le doute et marier un sens de humour, voire du burlesque, qui font respirer le récit l’installant dans le réel et non dans le cauchemar oppressant d’une horreur sans nom. Cela est moins angoissant mais peut-être plus inquiétant : les monstres pourraient bien être parmi nous. Assis à nos côtés dans un bar, fréquentant les mêmes lieux…
La qualité d’écriture de ce premier roman nous laisse penser que nous pourrions bien être amenés à vous reparler de son auteur lors d’une prochaine parution (nous tenons de l’auteur que le second roman suivant est achevé et cherche éditeur)…
Marc Ossorguine
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