Seul le bleu reste, Samaël Steiner, estampes de Judith Bordas
Seul le bleu reste, éd. Le Citron Gare, juin 2016, 87 pages, 10 €
Ecrivain(s): Samaël Steiner et Judith Bordas
Une traversée, voici ce qu’évoque ce recueil de Samaël Steiner. Ombre et lumière tissées par une langue dense et sensuelle. Traverser et être traversé et Seul le bleu reste. Des villes, des lieux, traversés par des corps, des corps qui marchent, des corps qui glissent,
« Nous allons ensemble,
la rue n’est plus bordée de portes
mais de larges entailles, par lesquelles
on peut se glisser
et apparaître ailleurs et autrement »
des corps qui se touchent, des corps et des êtres que seul un voile de peau sépare, des corps qui se désirent, des êtres qui s’aiment, des corps ouverts souvent comme des fruits ou des poissons, des corps qui tombent, des corps comme des morceaux de pays traversés de guerre, « les corps sont là / la tête traversée » comme celle du danseur de la place Maïdan :
« Il danse,
il a un trou rouge à l’arrière de la tête ».
Ces corps « dont ne reste plus que cet amas de nerfs, noués
et cette peau qui sans ton être n’est même
pas le début d’un tambour »
car voilà, le corps ne se suffit pas, il doit être habité, comme est habité ce recueil, habité d’âme et d’un cœur qui bat pas seulement pour lui-même, mais aussi et surtout pour l’autre.
« Ton bras est ouvert tout le long de la rue,
les passants longent tes veines pour rejoindre le fleuve ».
Et la parole elle-même est traversée, transpercée, poésie vêtue de jour et de nuit, de vie et de mort, qui puise à même les peaux et les os, en elle toutes frontières, limites, se dissolvent et le cœur de ce recueil tissé de routes et de passerelles, c’est bien ça, un chemin allant de l’unicité à l’union, l’universel « simplement un homme pour traverser la nuit » et qui dit union, dit aussi perte et séparation, le corps de l’autre et la maladie et la mort dans le corps de l’autre, et toujours l’amour, l’amour qui éblouit et bouleverse le lecteur, tout particulièrement dans les derniers poèmes du recueil.
« Je t’aime avec tendresse,
je t’aime à retourner une ville »
Et seul le bleu reste, magnifique, sombre et lumineux à la fois, comme le sont les estampes de Judith Bordas qui l’accompagnent.
Cathy Garcia
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