Sans amour, Pierre Pachet
Sans Amour, Denoël. 150 p. 13€
Ecrivain(s): Pierre Pachet Edition: DenoëlPierre Pachet est un homme à femmes. Dans ce récit !... A un point tel que la différence sexuelle même s’efface dans son écriture. Les premières pages de « Sans amour » font parler une narratrice – une vieille dame solitaire – qui dit « on » et, par un glissement presqu’imperceptible, un narrateur s’y substitue, un « je » dans lequel il est facile de reconnaître l’écrivain. L’identification aux vieilles dames seules – poussant caddie dans les grandes surfaces et portant des sacs de provisions trop lourds pour elles avant de rentrer chez elles manger seules ce qu’elles n’aiment même plus – est une subversion du regard habituel sur l’âge et sur le sexe. La solitude n’est pas le propre des femmes, des veuves : elle est la compagne obligée de l’un ou l’autre du couple dans l’accomplissement du vieillissement. Elle est rivée au destin des êtres.
Cependant les femmes hantent ce livre, « … Ce livre de ma solitude, que je ne pourrais pas écrire si quelqu’un vivait avec moi, avait à subir mes hésitations, ma curiosité indiscrète et incertaine ». Elles sont comme une ponctuation essentielle et consolatrice d’une vie. Depuis les beautés conquérantes et ravageuses de la jeunesse aux beautés complexes, lucides et rieuses de l’âge mûr ou de la vieillesse. Des corps triomphants et aimés aux corps « intouchés » qui s’abandonnent peu à peu. Des corps nus de l’amour aux corps nus de la mort. Pierre Pachet assume, comme une évidence, sa fascination pour ces « fantômes » qui ont été comme des havres de paix lui souhaitant, lui construisant, sa part de sagesse.
« Ma solitude est non pas peuplée, mais hantée de fantômes. Pour leur donner la vie qu’ils demandent, dont ils ont peur aussi, je dois donner la mienne, mon souffle, mon sang. Mon attention.
(…)
Mes fantômes, buées peu insistantes, inapaisées mais timides, il me semble qu’ils détiennent, dispersée en figures diverses, la substance qui me fait défaut pour équilibrer la chute immobile et douloureuse de ma vie livrée à l’ineptie des heures.
Je leur demande de l’aide : ils sont partis emportant l’essentiel de mon passé, dont ils furent témoins et acteurs. »
Alors viennent Madame Salzberg qui lui apprend (ça ne s’invente pas …) « le solitaire », Mania qui lui annonce qu’il sera un sage, et Mizou, et Irène et Léa. Et Soizic bien sûr, l’épouse regrettée. Toutes celles qui ont illuminé sa jeunesse et sa vie. Toujours comme par miracle. Comme une bénédiction recommencée. Parce que « L’amour n’est qu’une possibilité ».
Léon-Marc Levy
VL2
NB : Vous verrez souvent apparaître une cotation de Valeur Littéraire des livres critiqués. Il ne s’agit en aucun cas d’une notation de qualité ou d’intérêt du livre mais de l’évaluation de sa position au regard de l’histoire de la littérature.
Cette cotation est attribuée par le rédacteur / la rédactrice de la critique ou par le comité de rédaction.
Notre cotation :
VL1 : faible Valeur Littéraire
VL2 : modeste VL
VL3 : assez haute VL
VL4 : haute VL
VL5 : très haute VL
VL6 : Classiques éternels (anciens ou actuels)
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