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Sam et Julia, la Régate des bateaux dingos, Karina Schaapman (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi le 27.11.20 dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Jeunesse

Sam et Julia, la Régate des bateaux dingos, Karina Schaapman, Gallimard Jeunesse, septembre 2020, trad. Antonin Poirée, 62 pages, 16,90 €

Sam et Julia, la Régate des bateaux dingos, Karina Schaapman (par Yasmina Mahdi)

 

Chez les mulots

Karina Schaapman, née en 1960 à Leiden (Pays-Bas), fut conseillère municipale pour le Parti du Travail. S’intéressant à l’enfance, à l’amélioration des méthodes d’enseignement scolaire, elle a fabriqué avec des matériaux pauvres, carton, pâte à modeler, allumettes, boutons, etc., une très grande maison de 3 mètres de haut, à étages et de plus cent pièces. Ces objets glanés ont été remodelés, soudés, assemblés par ses soins. La Maison des souris se trouve au premier étage de la Bibliothèque publique d’Amsterdam. L’auteure a obtenu le Prix Pinceau d’argent 2012.

Sam et Julia, la Régate des bateaux dingos est un nouvel épisode des aventures de deux souris, Sam et Julia, après la fête foraine, le cirque, le théâtre, livre jeunesse présenté sous une alléchante couverture glacée de 26,5 x 31 cm. La créatrice ingénieuse a finalisé en trois dimensions, l’animation, la fabrication des personnages et des divers éléments, la personnalisation des souris, écrit les textes. Chaque scène est photographiée par Allard Bovenberg.

Le petit mammifère appelé plaisamment souriquois par la Fontaine n’est sans doute pas choisi au hasard. Petit rongeur commun, il est magnifié dans La Régate des bateaux dingos. De nuisible, il est passé à une sympathique anthropomorphisation. La souris grise, le mulot, le campagnol, le rat et la musaraigne ne sont plus des bestioles prises au piège des affreuses souricières mais un menu peuple fier, débrouillard et besogneux.

Quant aux maisons miniatures, elles existent depuis des milliers d’années, les premiers exemples connus remontant à l’Ancien Empire égyptien – reconstitutions des demeures et des ustensiles employés à l’époque, placés à l’intérieur des tombes. En Occident, les maisons de poupée sont populaires, souvent vendues en kit, des modèles réduits initialement destinés à servir de jeu pour les enfants. Leur histoire remonte aux vitrines des miniatures du XVIème siècle en Europe. Ces objets de collection étaient prisés des femmes riches de Hollande, d’Angleterre et d’Allemagne, coûtant parfois le prix d’une vraie maison. Outre leur aspect d’intérieurs idéalisés, les maisons de poupée montraient des accessoires très détaillés. Avec la révolution industrielle et les usines de production de masse des jouets, ces maisons de poupée furent produites par des entreprises et exportées.

Dans ce bel album Sam et Julia, la Régate des bateaux dingos, les petits lecteurs vont pouvoir contempler à loisir les mille et un détails fourmillants du port, des habitations construites au-dessus des canaux, des commerces en place, intégrer de nouveaux mots spécifiques à la navigation des bateaux sans moteur. Les enfants nés et vivant en-dehors d’Amsterdam acquerront les termes de capitainerie, chantier naval, ceux attachés à l’espace fluvial ou maritime, à la navigation, la pêche : poissons, coquillages, outils de marins, corderie… La construction et la fabrication manuelles sont la perpétuation d’une certaine tradition, et en cela, le livre peut inciter les enfants à la confection de maquettes. Karina Schaapman, véritablement architecte et designer, enseigne qu’avec le peu, le déchet, les objets au rebut, l’on peut accomplir des prodiges. Ainsi, Sam et Julia vont participer physiquement à de nouvelles aventures dans des lieux portuaires et observer les différentes occupations que génère le trafic sur l’eau. En examinant les photographies, l’on ne se lasse pas d’y remarquer tantôt un poêle, un dinosaure et des crayons de couleur dans la salle de classe, tantôt des fenêtres et les portes cloutées des maisons ocres rose, les barques, les chalutiers tricolores, les machines du port, les élévateurs, les marchandises transportées sur une eau bleu turquoise. Les extérieurs, les intérieurs s’ornent d’appareils de petite précision, jusqu’à la sciure du rabot, les vêtements sont tricotés et cousus main, les décors réalisés sobrement, d’une finition étonnante. Dans cette atmosphère enchantée, Sam et Julia, en compagnie de souris et de souriceaux s’activent à la tâche et se tiennent prêts pour la remise du prix de la fête du port, La Régate des bateaux dingos. Soulignons le riche étal du poissonnier, et Le café de la Marine deux chefs-d’œuvre. Une lumière chaude tamise l’estaminet dans lequel les mulots mariniers se régalent de fromage et de pâtisserie.

Karina Schaapman a campé, grâce à un savoir-faire artisanal et en renouant avec l’héritage miniaturiste, une cité modèle dans un monde pacifié, fraternel, en préconisant une philosophie de l’existence. Les plans d’ensemble aux compositions complexes ainsi que les gros plans donneront à voir aux petits dès l’âge de 4 ans et aux grands, une création originale, loin des stéréotypes commerciaux des jouets et des peluches des magasins.

 

Yasmina Mahdi


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A propos du rédacteur

Yasmina Mahdi

 

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rédactrice

domaines : français, maghrébin, africain et asiatique

genres : littérature et arts, histoire de l'art, roman, cinéma, bd

maison d'édition : toutes sont bienvenues

période : contemporaine

 

Yasmina Mahdi, née à Paris 16ème, de mère française et de père algérien.

DNSAP Beaux-Arts de Paris (atelier Férit Iscan/Boltanski). Master d'Etudes Féminines de Paris 8 (Esthétique et Cinéma) : sujet de thèse La représentation du féminin dans le cinéma de Duras, Marker, Varda et Eustache.

Co-directrice de la revue L'Hôte.

Diverses expositions en centres d'art, institutions et espaces privés.

Rédactrice d'articles critiques pour des revues en ligne.