Saint-Germain-des-Prés, Jean-Paul Caracalla
Saint-Germain-des-Prés, mai 2017, Préface de Michel Déon, 176 pages, 7,30 €
Ecrivain(s): Jean-Paul Caracalla Edition: La Table Ronde - La Petite Vermillon
Cafés littéraires, ferment intellectuel et éditorial, vivier de jurys littéraires, foyer des étrangers dans un Paris existentialiste, site de nombre de théâtres célèbres, Saint-Germain-des-Prés aura eu de nombreuses fonctions, depuis toujours pourrait-on dire, tant le quartier a essaimé ses atouts tout autour, sur les boulevards, dans les rues environnantes (Saint-Benoît, Rennes, Visconti, Buci, de Seine…).
Il est tellement de figures aussi qui incarnent Saint-Germain-des-Prés : de Léo Larguier, le poète arpenteur, à Gréco, sa muse dès 1947, Vian, Luter, Sartre, de Beauvoir, en passant par les comédiens Dufilho, Raimbourg, les peintres Picasso, Dali, Masson…
On vient à Saint-Germain. On fréquente les cafés : Le Procope, Le Voltaire, Les Deux Magots, Le Flore. On y boit, on y discute, on y refait le monde, on parle politique, on décerne des prix. Une effervescence de toujours aussi remue le quartier, un véritable appel d’air et d’art dans tout le quartier.
Caracalla dresse dans ce petit volume, fécond, documenté, vraie ethnographie des lieux et des époques, une histoire culturelle d’une zone circonscrite qui a fait d’elle un esprit, un lieu à vivre, inoubliable. La rive gauche, ses rues à antiquaires et éditeurs, attire, attise, véritable aimant, que des revues, que des personnalités vont exalter bien au-delà des frontières du quartier, pour en faire un symbole de culture, surtout entre les deux guerres, et au-delà de la seconde guerre mondiale, dans les battements d’ailes d’une ville reconquise à la liberté et qui exprime les enthousiasmes musicaux, jazziques, et philosophiques d’une époque. Les caves où l’on joue, où l’on danse (Le Tabou) ; les fameuses nuits d’une jeunesse gagnée par les ferveurs nouvelles, où Sartre, Vian expriment les valeurs d’une génération qui « zazou » se met à rêver d’une autre vie, que le film de Becker restituera assez bien : Rendez-vous de juillet (1948).
Le quartier, d’écrivains, de livres, livre bien sûr sa part la plus imaginative, qu’il suffise de savoir que c’est là que Fargue et Larbaud ont lancé la Revue Commerce, que c’est là que Duras, Simone de Beauvoir, Sartre ont écrit à même les tables des cafés certains de leurs plus beaux textes, à une époque où on écrivait dans les cafés.
L’ouvrage donne une large part à tous ces bouillonnements d’idées, de créations diverses, d’échanges, dans des chapitres clairs, bien agencés, que l’histoire et ses faits soutiennent avec efficacité et savoir.
Le lecteur tirera profit de ce beau volume d’un auteur versé dans une connaissance aiguë de la capitale et de ses quartiers.
Philippe Leuckx
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