Roman noir, Agnès Michaux
Roman noir, avril 2018, 236 pages, 18,50 €
Ecrivain(s): Agnès Michaux Edition: Joelle Losfeld
Le roman d’Agnès Michaux est à la fois un roman du voyage, du dépaysement, de l’ailleurs, et un roman sur l’identité, son usurpation et les mensonges et faux-semblants que cela provoque. Que faire quand on se fait prendre à son propre piège d’avoir usurpé l’identité d’une célèbre romancière, alors qu’on n’en est qu’à l’écriture de son deuxième roman ? Qui est cette Célia Black, romancière à succès habitant l’île de Pondara, où se rend Alice Weiss pour un séjour qu’elle espère inspirant pour la rédaction de son nouveau manuscrit ? Un peu par jeu au début, et pour échapper aux marques d’intérêt insistantes d’un passager du même avion, la Blanche Alice prendra peu à peu la place de la Noire Célia, les yeux cachés derrière des lunettes de soleil aux verres noirs ou rouges parce qu’elle souffre d’achromatopsie. Avec tous les dangers que cela comporte.
Drôle d’univers que celui de la villa L’Acheloos tenue par Baby et Erythie, qui accueille Alice, et du Grand Hôtel des Cinq-Mondes, où Amour et Princess logent. Une typologie de l’espace divise l’île en Terramar, la zone de transit populaire, et Pondara, la zone touristique de luxe. Agnès Michaux aime les mots des descriptions imagées :
« Sur leur gauche, dressé contre la mer, le port étalait son arsenal, ses grues, ses containers, ses hangars, ses cargos, paquebots et bâtiments de marine gigantesques, la fin de partie un rien confuse et interlope de l’exotisme et des liaisons transcontinentales » (p.29).
De temps à autre, la temporalité du roman s’interrompt pour laisser place à des articles du journal local, L’Horizon, comme des pages de faits divers ou un compte rendu de défilé de mode. Nous assistons à une parodie de villégiature, avec une aristocratie un peu factice, du beau monde un peu frelaté, pour lequel le luxe est mâtiné d’ennui et de vulgarité, et auquel se mêle l’Intervenant-chef de la Brigade de Pondara, Fritz Kobus, qui, en parallèle, mène une enquête criminelle. En effet, un cadavre de femme a été retrouvé noyé à proximité de la jetée. Plus tard, c’est le caniche Maât qui trouve la mort.
Le voyage chez Agnès Michaux est vu comme une métaphore de l’accession à la célébrité, avec toutes les douleurs, les morts symboliques et les renoncements qu’il implique et auxquels il faut faire face.
Sylvie Ferrando
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