Respire, Victor Malzac (par Philippe Leuckx)
Respire, Victor Malzac, éditions de La Crypte, 2020, 64 pages, 12 €
Respire de Victor Malzac est édité à la Crypte. Le Prix de la Crypte 2020 est attribué à un jeune poète né en 1997, intense, brillant. « Gilet rouge » dans un univers qui tremble, où il faut reprendre respiration. Rien de faux dans cette description.
« tôt dans la nuit je respire
la mer
et je converse avec – »
« les lumières de la ville font maintenant comme un carrefour
dans les nœuds crispés de ma conscience
maintenant libre – »
Cette poésie aux nombreux tirets (singuliers et nécessaires) tire souffle de ses pauses, de ses lents étirements de vie. Ne dit-il pas : « J’aimerais sentir passer/ le vide – vivre/ amplement » ? Il est l’homme « aux barres de fer » avant ou après la nuit. Distribué en plusieurs sections (sa chambre – le café matinal – maintenant), le livre surprend par la disposition des vers – sorte de respiration – et la description aiguë des choses. Le poète ne recule pas devant des images fortes (je coupe en deux/ ses lèvres) qui montrent, s’il le fallait, l’urgence poétique de son dire.
Victor Malzac « voit le vide », « tremble », sait qu’il est « perdu », « qu’il a perdu » ; il se « bat », « mord l’oreiller », risque « la noyade », s’empêtre dans « son amour ».
Le ton, vif, intense, marie les rouges, les aspects sombres de l’existence, les reliefs de la vie : gorge, lèvres, tête, corps.
C’est une poésie de l’essentiel, très physique, où le toucher, le cri, l’air, le froid, les « cernes noirs » respirent l’authentique présence d’un jeune, fou de poésie, qui souffle sur les braises de son mal, et nous donne à goûter la beauté acide de ses vers.
« mon corps en joie
dans les collines ce soir est clos » : le gars au « sang mauve » décline son corps, « son petit cœur plaintif », dresse les échos de sa solitude, « les détours de ma jeunesse ».
C’est la vie même qui court dans les veines de ces poèmes nus, denses, où le jeune corps a appris l’amour, l’absence, la défaite, la déperdition, et paradoxalement, au bout de la course, son corps a repris vie, puissant, unique, le voilà capable de respirer à nouveau, lui qui, avant, « a pu vivre à côté de mon corps ».
Un livre qui augure d’une belle carrière.
Philippe Leuckx
Victor Malzac, né en 1997, est un écrivain français, dont Respire est le premier livre. Il vient d’obtenir pour le second le Prix de la Vocation. Il poursuit ses études de lettres à l’Ecole Normale Supérieure, rue d’Ulm, à Paris.
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