Reprenons les chemins d’ici, Arnaud Le Vac (par Philippe Chauché)
Reprenons les chemins d’ici, mars 2019, 72 pages, 11 €
Ecrivain(s): Arnaud Le Vac Edition: Editions du Cygne
« Etre au rythme de l’eau
épandant ses flots
en tous sens, entourant,
cernant la ville en son cœur ».
Après On ne part pas, publié il y a deux ans, Arnaud Le Vac revient avec un nouveau livre, joliment baptisé Reprenons les chemins d’ici, et inspiré d’Arthur Rimbaud – J’ai tendu des cordes de clocher à clocher ; des guirlandes de fenêtre à fenêtre ; des chaînes d’or d’étoile à étoile, et je danse (1). Et à la manière de Michel de Montaigne, sème des fleurs : de courts poèmes racés, des visions – Un pont, puis un autre pont, et tout à coup devant soi : les canaux sans fin, à l’infini –, des évidences partagées, Quelques cafés, librairies et jardins ; nous rions et c’est mérité. Trop ? Jamais assez – et un grand principe qui le conduit, la liberté nous oblige à la légèreté, ce qui évite le bavardage.
L’écrivain vagabonde à Venise, à Amsterdam, et en littérature. Il sait que pour bien voyager, il faut bien aimer et bien lire. Alors il aime : – Nous sommes tout à fait seuls : rien de mieux à faire –, il écoute et regarde ce qui se révèle sous ses yeux : – Les quais des Zattere en pleine lumière : à ras d’eau sur le canal de la Giudecca – et convoque sous ses mots quelques auteurs qui l’accompagnent : André Breton, Guy Debord, Tzara, Apollinaire, André Suarès ou encore Voltaire. Arnaud Le Vac écrit sur le motif – comme Cézanne peignait –, et ce motif, ce canal, ce musée, cette rue, font apparaître – miracle de la littérature – des écrivains qui se trouvent là, à deux pas, une complicité se noue, en une courte citation ou une brève évocation, se transforment en apparitions complices.
« Quelle ville pour les marins ! Tout flotte, et rien ne roule. Un silence divin, dit André Suarès ».
« J’ai voulu écrire le Paradis
Ne bouge pas,
Laisse parler le vent
Tel est le Paradis,
dit Ezra Pound ».
« L’ordre est un désordre heureux ainsi la liberté ne lui fait jamais défaut, dit Marcelin Pleynet ».
Reprenons les chemins d’ici est un petit recueil, où se déploient de courts textes, des éclats poétiques, comme des voiles colorées qui remonteraient le Grand Canal, l’écrivain sous le vent admire et écrit, il écrit ses admirations, là un Palais, ici une fleur et ses parfums, ou encore le ciel et la mer – Une ville mobile comme une île –, plus loin les miracles du Titien, du Tintoret, et de Véronèse, ou enfin ces apparitions complices – Pleynet sur le pont de la Calcina, le regard à l’écoute / et le visage tourné vers les colonnes corinthiennes du Gesuati, sans un mot et en silence, comme l’ange de lumière / et de pierre donnant à lire / le livre du temps…
Arnaud Le Vac, en écrivain libre, est aux anges dans ce livre.
« Voir l’invisible et entendre l’inouï ».
Philippe Chauché
(1) Phrases, Illuminations, Arthur Rimbaud, La Pléiade, Gallimard
- Vu : 1981