Rencontre avec Adrien Bosc, l’auteur de Constellation
Rencontre avec Adrien Bosc, l’auteur de Constellation, St Rémy-de-Provence au début du mois d’août :
« Le livre est beaucoup sur le hasard, le destin, pourquoi un avion plutôt qu’un autre, la différence entre les coïncidences, la fatalité. C’est par hasard que je suis tombé sur l’histoire, en passant de vidéos en vidéos sur YouTube, en écoutant des concerts de violon, et je suis tombé sur la fameuse scène qui est retranscrite dans le livre, qui est l’émission du Grand Echiquier de Jacques Chancel, un hommage à Etienne Vatelot, le grand luthier. Une émission qui s’appelait L’âme des violons, à un moment Jacques Chancel demande à Etienne Vatelot de raconter l’histoire de Ginette Neveu, l’histoire de sa mort, et il revient sur l’anecdote qu’il aurait dû être dans cet avion, mais au dernier moment Ginette Neveu lui a demandé d’ajourner son départ ».
« En cherchant un petit peu plus, je me suis rendu compte en épluchant la liste des passagers, en essayant de me renseigner sur le vol, sur les circonstances du drame, qu’il y avait une extraordinaire conjonction de passagers avec des destins tous différents, tous étonnants, avec chacun un but. Partant aussi du principe qu’à cette époque on ne prend pas l’avion pour n’importe quelle raison. Et cela me paraissait à la fois un très beau sujet, mais surtout un moyen de montrer un changement d’époque. Le début du siècle, c’est pour moi ce milieu de siècle qui est l’immédiat après-guerre et ses gros changements technologiques dont Constellation est un symbole. On arrive aux transatlantiques à hélices et on abandonne les paquebots luxueux. On arrive vers une rapidité des transports, avec un nouveau luxe. C’est le début du règne des hommes pressés et chacun des passagers était représentatif de ce changement-là, que ça soit un tanneur, une bobineuse ou le directeur commercial de Disney ».
« Le drame de Constellation a été phagocyté par une personnalité. Si on dit c’est l’avion dans lequel était Marcel Cerdan, tout le monde remet les choses en place, on oublie le reste. Lorsque l’on fait des recherches on voit de manière répétée qu’il y avait cinq basques, j’ai mis quelques semaines à comprendre qui étaient ces basques, pourquoi cette émigration, d’où ils venaient, la même vallée, mais aussi la bobineuse de Mulhouse, tout comme d’autres anonymes qui sont dedans ».
« Je voulais vraiment que ça soit dense, court, aéré, avec des courts chapitres. C’était l’idée de faire des esquisses de portraits à chaque fois : un portrait, l’avancé de l’avion, et ainsi de suite, l’avancée des secours, une alternance de chapitres. Et surtout ne pas parler à la place des morts, faire parler leur histoire. Il n’y a pas de faux “je”, il n’y a pas “je prends les habits de Ginette Neveu et je vais dire qu’elle est sa pensée au moment où l’avion percute le Rodondo”. Ce sont des esquisses de portrait de chacun avec une part d’invention. Il y a un squelette d’évènements, il y a un squelette qui est la base du livre, et après on vient rajouter de la chair. On vient combler des interstices qu’on ne connaît pas, c’est vraiment la volonté que cela soit succinct, on ne s’épanche pas non plus pour garder une certaine forme de rythme, qui est la rapidité, la rapidité du vol, la rapidité de coups de semonces ».
« Je ne suis pas là pour dire ce qui est vrai, ce qui est faux dans ce roman. Il y a cette phrase de Cendrars à Lazareff, qui lui demande s’il a vraiment pris le Transsibérien, et il répond “mais qu’est-ce que ça peut bien te foutre si j’ai pris le Transsibérien, je te l’ai fait prendre !”. Je donne la même réponse pour Constellation. Finalement c’est rappeler ça, la part de mensonge dans le roman, et si on se met sous la tutelle de Cendrars ce n’est pas pour rien ! »
Philippe Chauché
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