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Refaire le monde, Claude Minière (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres le 07.06.21 dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie, Gallimard

Refaire le monde, Claude Minière, Gallimard, mars 2021, 64 pages, 11 €

Refaire le monde, Claude Minière (par Didier Ayres)

Poésie plurivoque

Ce petit recueil de poèmes de Claude Minière s’est présenté à moi de manière presque échevelée, hésitante, ironique et ambiguë. Cette poésie joue sur différents genres – au sens musical peut-être. Elle va du mythe à la poésie engagée (pour la défense du climat par exemple), d’un travail très fin vers le registre ironique ; en bref, de l’aria au récitatif, de l’andante au scherzo, de l’ostinato au moderato cantabile. Travail de compositeur tout autant que de tailleur, lequel coud à partir de patron – ici compris comme ton général de chaque poème, qui confectionne des chasubles spirituelles ou des chlamydes venues de la poésie grecque.

La déesse me fait un appel du pied nu

de son pied elle me fait toucher chaque lettre

elle fait d’elle une avance

et je suis son Hermès porteur d’airelles

c’est aussitôt l’herbe verte et les dalles de marbre

les courses folles

c’est aussitôt l’amour

la fraîcheur et le feu

puis le repos une coupe à la main

où frémit la rosée

 

Le poète agit en occidental et crée son œuvre au fur et à mesure qu’elle se manifeste. Elle n’est pas si contemplative, mais elle fait avancer des idées – l’écologie, la hiérarchie des arts, les relations de l’ancien au nouveau (très vieille histoire !). Ce faisant elle n’hésite pas à faire appel à l’esprit de légèreté, voire d’humour, travaillant sur l’ironie parfois – méthode philosophique, celle de Voltaire. Donc pas toujours sérieuse, cette langue est forte – vertu cardinale. La recherche n’est pas toute vouée à la forme, mais touche le domaine moral, des thèmes évangéliques et une foi dans la pertinence du ton à prendre. Cependant, ce n’est pas une poésie à programme.

 

On sait qu’on meurt

on aimerait autrement

il faut aussi préciser les pronoms

le on a sa raison d’être

parfois la deuxième personne

du singulier s’impose

« Shall I compare thee to a Summer’s day ? »

Te comparerai-je à un jour d’été

le nom dans son bouquet de mutations

l’incarnat de l’été

l’alphabet des voix

les champs magnétiques

mon mode de vie est critique mais sans méchanceté

 

Comme je parlais de musique, je dirais que cette prosodie, partition poétique, se calquerait mieux sur le Satie des titres loufoques, sans pour autant perdre la gravité, voire l’angoisse des Gymnopédies. Le maître d’Arcueil aurait aimé cette variété et ces poèmes sérieux quelquefois, appliqués à défendre des idées. Il en est de ce livre comme d’une partition dont les lecteurs sont auditeurs, capables de reconnaître la voix intérieure du poète.

 

Didier Ayres


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A propos du rédacteur

Didier Ayres

 

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Rédacteur

domaines : littérature française et étrangère

genres : poésie, théâtre, arts

période : XXème, XXIème

 

Didier Ayres est né le 31 octobre 1963 à Paris et est diplômé d'une thèse de troisième cycle sur B. M. Koltès. Il a voyagé dans sa jeunesse dans des pays lointains, où il a commencé d'écrire. Après des années de recherches tant du point de vue moral qu'esthétique, il a trouvé une assiette dans l'activité de poète. Il a publié essentiellement chez Arfuyen.  Il écrit aussi pour le théâtre. L'auteur vit actuellement en Limousin. Il dirige la revue L'Hôte avec sa compagne. Il chronique sur le web magazine La Cause Littéraire.