Quand je serai très très vieux, Olivier Ka et Carole Chaix
Quand je serai très très vieux, éd. Notari, coll. L’oiseau sur le rhino/Les huppes, avril 2016, 38 pages, 19 € (Album à partir de 7 ans)
Ecrivain(s): Olivier Ka et Carole Chaix
Les recommandations éditoriales fixent l’âge de première lecture à 7 ans. Mais voici un album pour lequel on peut appliquer la célèbre formule « de 7 à 77 ans », voire au-delà puisque les perspectives emmènent le lecteur à la dernière page jusque 150 ans. À 7 ans, le « très, très vieux » commence à 61 ans et permet d’imaginer toutes les transgressions aux règles de bienséance que les parents justement s’efforcent de vous inculquer : la politesse, la propreté, l’obligation de manger de tout, l’interdiction des gros mots et tant d’autres contraintes… Plus on avance en âge et pire c’est. On a raison sur tout, on est milliardaire avec des exigences et des droits de milliardaire, c’est-à-dire ne rien donner, ne rien prêter, avoir son avion et faire le tour du monde et même pourquoi pas un voyage dans l’espace, à moins qu’on ait l’idée de faire une armée pour « détruire la terre ». « Non, quand même pas ! » Même à 7 ans, en pleine puissance imaginative, il y a des limites que l’enfant sait reconnaître.
Quand on est justement dans l’âge des très, très, très vieux, donc vers 65 ou 70 ans, on s’amuse beaucoup de cet album. D’abord pour le sens de l’observation des comportements dénoncés par l’enfant : quand on est vieux, il semblerait que l’on s’autorise, justement, ce qu’on explique être interdit aux enfants : passer devant les autres dans les files d’attente, faire preuve quelquefois d’un peu de provocation, voire d’une certaine méchanceté ou cruauté vis à vis de ses congénères. On s’amuse aussi des délires proposés par l’auteur qui vont du démontage de la Tour Eifel à la consommation « de frites aussi épaisses que (s)on bras » !
Les deux dernières pages renvoient le lecteur à l’essentiel. D’une part l’interrogation de l’enfant sur son devenir : « Je serai comment ? » et la nécessité d’observer les aînés. D’où la dernière bulle : « Dis Papi, t’as quel âge ? » et la dernière phrase de l’album : « Finalement, je serai comme maintenant, exactement ! »
Les illustrations de Carole Chaix servent remarquablement le propos de l’album. L’univers enfantin se mêle aux « vieilleries » censées représenter l’univers des anciens « quand c’était mieux avant » : charentaises, moulin à café, cassette audio, magnétophone à bande… sans parler du dentier et du slip ! Les techniques sont variées – stylo bille, aquarelles, crayon de couleur, encre – et les motifs ou personnages expriment tout autant la douceur et la poésie que la cruauté du monde.
Pour ne pas briser le rêve du Père Noël et pour oser la double page des gros mots, on attendra donc les 7 ans de nos petits-enfants. Après, c’est un bon moment de lecture partagée. À moins qu’on ne l’offre à un collègue fan de BD qui part en retraite et qui peut encore rêver jusqu’à ses 150 ans !
Christine Perrin-Lorent
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