Pssica, Edyr Augusto
Pssica, février 2017, trad. Portugais (Brésil) Dinhiz Galhos, 142 pages, 15 €
Ecrivain(s): Edyr Agusto Edition: Asphalte éditions
Phrases courtes et sèches, style minimaliste, l’auteur entasse les dialogues à même le corps du texte, pas de tiret, ni de guillemets, ni de retour à la ligne. Il ne s’encombre pas de fioritures, nous sommes ici dans le brut du brut, à l’image de la brutalité dont il est question dans ce roman très noir. Les amateurs de belles littératures resteront sur leur faim, le sujet étant ce qu’il est, l’auteur ne cherche pas à en tirer une esthétique. Le malaise que ressent le lecteur est un moindre mal au regard de l’histoire de Jane, ex-Janalice, une collégienne de 14 ans, dont le petit ami n’a rien trouvé de mieux que faire circuler dans le collège via les réseaux sociaux une vidéo de leurs ébats, une fellation plus exactement. Humiliée, rejetée par tous, y compris ses parents, Janalice est envoyée chez une tante à Belém. Livrée à elle-même, elle se met à errer dans le centre-ville et chaque nuit se fait violer sous la menace, par le compagnon de sa tante. La blancheur de sa peau, sa beauté exceptionnelle et des formes déjà très avantageuses malgré ses 14 ans attirent rapidement la convoitise. Elle fait connaissance avec une fille qui traîne dans la rue et qui est en couple avec un vieux junkie. Profitant de sa naïveté, ces deux derniers la vendent à des trafiquants. Janalice se fait kidnapper en plein jour et en pleine rue.
C’est ainsi que, devenue Jane, Janalice va remonter le bassin amazonien, passant de main et main, dans un réseau de prostitution infantile, qui l’amènera jusqu’à Cayenne. Viennent se mêler à l’histoire d’autres personnages, plus ou moins criminels, certains plus doux que d’autres et un portugais blanc d’origine angolaise, installé sur l’île de Marajo, dont la femme a été décapitée et démembrée par une des bandes ultra violentes, qui pillent, trafiquent et assassinent tout au long des rivières de l’État du Pará. Un vieux policier à la retraite, ami du père de Janalice, tentera en vain de la retrouver. C’est la mort qui talonne Jane, des morts stupides et violentes sur lesquelles la narration n’a pas le temps de s’arrêter. Difficile de reprendre son souffle, on lit sans plaisir, mais on est happé par le rythme halluciné de l’horreur. Ce livre est comme une mauvaise fièvre qui vous terrasse. Jane, consommée par les hommes, détruite par la drogue et la violence, perd toute mémoire de Janalice, la collégienne de 14 ans, tandis que les hauts placés des administrations locales sortent toujours indemnes de leurs turpitudes. Taux d’impunité, sang pour sang, justice zéro. Bien que Pssica (malédiction) soit une fiction, l’auteur qui plante tous ses romans dans sa région natale, l’État du Pará, y dénonce une terrible réalité. A lire donc si on veut s’ouvrir les yeux sur l’intenable.
Et comme toujours avec Asphalte, vous trouverez à la fin du livre une playlist musicale, choisie par l’auteur lui-même. Ambiance.
Cathy Garcia
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