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L’Exposition, Nathalie Léger (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Lundi, 06 Janvier 2020. , dans P.O.L, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

L’Exposition, Nathalie Léger, janvier 2020, format Poche, 160 pages, 9 € Edition: P.O.L

 

L’enfance de l’art

Ressort en format Poche le premier livre de Nathalie Léger paru aux éditions P.O.L en 2008. L’auteure fait preuve déjà de son goût et de son intérêt pour les « images » oubliées comme elle le réalisa aussi dans Supplément à la vie de Barbara Loden.

À l’occasion d’un projet d’exposition sur La Ruine, la narratrice relate sa rencontre inopinée avec une héroïne oubliée du second Empire : la comtesse de Castiglione. Elle en remonte l’histoire à partir d’un recueil de photographies retrouvées dans sa bibliothèque. Adulée pour sa grande beauté mais aussi pour sa prétention et sa triste fin, cette femme a entretenu un rapport étrange avec sa propre image. Elle avait dérisoirement confié le sens de sa vie à la photographie. Adepte narcissique de son reflet, elle n’a cessé de se faire capter par l’appareil photographique. Celui-ci au fil du temps renvoie moins la beauté qu’une solitude. Elle transparaît dans une suite de portraits qui rendent compte des émerveillements comme des échecs d’une existence.

L’Homme hors de lui, Valère Novarina (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mardi, 06 Novembre 2018. , dans P.O.L, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Théâtre

L’Homme hors de lui, septembre 2018, 160 pages, 014 € . Ecrivain(s): Valère Novarina Edition: P.O.L

 

Le nouveau drame de la vie

L’Homme hors de lui reprend la mise en abîme vertigineuse du travail et de la destinée de l’acteur dans la langue et sur la scène absurde, désordonnée du monde. Valère Novarina a décidé de publier ce drame au milieu d’une petite forêt de noms, en partie dérivée d’un « Nominaire » en constitution, pour créer un îlot théâtral cerné par le flot des noms qu’il a commencé et poursuit depuis des dizaines d’années. Fait pour le théâtre, ce texte – comme ceux de Beckett – nourrit tout autant le lecteur qui le lit hors du monde et en un voyage autour de sa chambre. Mais, et à l’inverse de ce que le titre indique, celui-là se retrouvera plus en lui par un flot verbal aussi drôle que cérémonial.

Novarina reste le magicien de la langue et il doit être toujours placé au sommet des littératures francophones. Il est celui qui nous interpelle : « Gens du réel, cessez de vous prendre pour des agents de la réalité ! ». Et pour nous secouer, un homme entre, déroule, scande une cosmogonie de mots qui convoque les brins d’herbe et les supermarchés, les chiffres de hasard et les jeux d’enfant, les pierres et les bêtes, la mort et la vie, le souffle de la parole.

J’ai décidé d’arrêter d’écrire, Pierre Patrolin (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Vendredi, 05 Octobre 2018. , dans P.O.L, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits

J’ai décidé d’arrêter d’écrire, octobre 2018, 172 pages, 17 € . Ecrivain(s): Pierre Patrolin Edition: P.O.L

 

La rivière sans retour

L’écriture est une maladie dont on ne guérit pas : Duras l’avait dit, Patrolin le confirme. Il prouve que celui qui s’y engage est ravi, capturé et que rien n’y fait. Son livre devient en conséquence l’histoire d’une fiction qui s’écrit et le roman de l’impossible arrêt de l’écriture.

Ces deux « fils » se tissent, s’entremêlent en ce qui tient d’un échec et d’un désastre. Et d’une réussite. On croit d’abord que la décision d’arrêter d’écrire est au centre de l’histoire, des histoires. Mais c’est l’inverse qui se passe. Entre bordure et absence il existe bien plus que des didascalies du silence mais son perpétuel débordement. Le « comment-taire » est impossible : ne demeure que son commentaire.

Rien ne se passe – du moins en ce qui concerne le désir d’arrêter le cours de la rivière sans retour où tout baigne (héroïne et feuilles de papier). L’écriture se voudrait barrage, elle n’est que typhon au sein de ce qui tient d’une mise en abyme, d’un éblouissement, de la nécessité fatale de l’écriture et de son travail de résistance.

La Fonte des glaces, Joël Baqué

Ecrit par Charles Duttine , le Mercredi, 02 Mai 2018. , dans P.O.L, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

La Fonte des glaces, août 2017, 283 pages, 17 € . Ecrivain(s): Joël Baqué Edition: P.O.L

 

(De la littérature considérée comme chionosphérophilie)

Il est des entrées de villes dont on sait dès les premières rues ou avenues que telle cité n’est pas faite pour vous. L’atmosphère y est pesante et rêche. Au contraire, d’autres offrent une entrée en matière plus enjouée, allègre et avenante. Il en est de même des livres dont on sait dès les premières pages que le récit vous est destiné. Ces pages vous disent que vous êtes chez vous, que vous allez vous plaire ici et surtout ne pas vous ennuyer. C’est ce que j’ai ressenti en ouvrant le livre de Joël Baqué, La Fonte des glaces.

L’ouvrage a paru en août dernier et l’on en a peu parlé lors de la « rentrée littéraire ». A tort, à mon goût. Il fait partie de ces livres qu’on souhaite donner à son voisin après un voyage pour qu’il ne s’ennuie pas. La lecture en est jubilatoire parce que certainement l’écriture le fut. Le style de Joël Baqué a quelque chose de précieux et de joueur. Il s’amuse du récit qu’il conduit, des clichés qu’il détourne, de lui-même l’auteur et du lecteur immanquablement bienveillant devant toutes ces pirouettes.

Les Garçons de l’été, Rebecca Lighieri

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Lundi, 12 Février 2018. , dans P.O.L, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Les Garçons de l’été, Rebecca Lighieri, P.O.L, janvier 2017, 448 pages, 19 € . Ecrivain(s): Rebecca Lighieri Edition: P.O.L

 

Il y a du capitaine ad hoc, de l’aigle fin, du Tintin et de la miloute chez Rebecca Lighieri (aka d’Emmanuelle Bayamack-Tam). Elle se fait apparemment ici mère Teresa des surfeurs et d’une certaine jocaste sociale. Rechignant à l’ouvrage mais pas à la jalousie, quand à la jouissance ne demeure que l’envie, il arrive que pour un garçon de la plage cher aux « Beach-Boys », la mer devienne un water l’eau.

Plutôt que de conter fleurette, suite au méfait d’un requin-bouledogue qui ne se contente pas de donner mal de chien et peau bleue, l’auteure entame un roman séduisant car épouvantable. Elle mixe la cruauté aux faux-semblants d’un milieu où les conventions mensongères deviennent une blague chauffante. Jouant les Hippocrate des hypocrites, la romancière mériterait sans doute un prix de vertige tant elle anticipe toujours de quelques mots la parole dite, et ce, même si l’oral est hardi.