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Poèmes du visage derrière la fenêtre, Louis Raoul

Ecrit par Marie-Josée Desvignes 11.07.15 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie

Poèmes du visage derrière la fenêtre, Ed. de la Crypte, coll. Les voix de la Crypte, 2014

Ecrivain(s): Louis Raoul

Poèmes du visage derrière la fenêtre, Louis Raoul

 

Dans les Poèmes du visage derrière la fenêtre, de Louis Raoul, domine l’élément eau, eau du ciel et des pluies de printemps, eau mouvante, transformatrice, eau qui meurt/ avec le souvenir d’une pierre d’enfance/ ou d’une grenouille de Bashô. La fenêtre ou la vitre, motif récurrent dans chaque poème, comme autant de reflets dans l’eau de ce visage en attente, celui du poète qui contemple depuis l’autre côté de la vitre, au matin ou le soir, d’une saison l’autre, perdu dans la chanson de l’air, dans l’attente, la solitude des jardins :

D’ici

Je vous devine

Femme à venir

vous n’avez d’enfant

que la parole

je vous devine

cachée sous l’orage

J’ai des choses à vous dire, nous annonce le poète dès le début, mais ce sont les jours qu’il apostrophe « ces jours à venir », tout autant que cette mémoire qu’il convoque à chaque recueil, lui qui oublie tout et si souvent. Il semble justement qu’il soit question de ne pas oublier, le poète s’exerçant par l’écriture à fixer le temps, la mémoire et les paysages si nombreux et si différents. Il ne faut rien oublier…

Il ne faut pas oublier les portes

Celle qu’on entr’ouvre

Pour faire respirer la chambre

Et cette autre où le dehors s’inquiète

De ne pas nous voir sortir

Et pousse du vent

Fraisant craquer le bois

comme un souvenir d’arbre balancé…

Dans la fragilité du soir et des jours recommencés, Louis Raoul nous rappelle notre vulnérabilité, et nous installe dans sa rêverie, nous transporte dans ses eaux. L’être voué à l’eau est un être en vertige. Il meurt à chaque minute, dit Bachelard. L’un et l’autre poètes, savent combien nos vies sont pénétrées de cet élément.

Les fenêtres du soir sont les plus silencieuses mais quand sa mémoire se fait sensorielle, passant du je au tu pour se donner le change, et mieux éprouver sa solitude, alors le poète se souvient :

Alors tu tiens le bol

comme d’un visage

ses deux joues

et se rompt à tes lèvres

le silence du lait

s’efface le blanc

dans ta gorge

Le besoin de se souvenir se mêle à la nécessité de retenir ces petits bonheurs si fragiles et fuyants qui traversent nos vies, renvoient à ces pertes dont on ne peut se remettre…

Il ne me reste plus

Qu’à quitter la fenêtre

Et aller m’asseoir parmi les morts

Dans les cimetières

Les bancs n’ont pas la même façon

De nous accueillir

Ils savent ce surplus de poids

Du manque

Et il y aura ce grand silence

Dans l’automne

Jusqu’à sentir le jour peser

Sur les feuilles de l’allée

On pense alors à Bachelard, qui dit que la peine de l’eau est infinie (L’eau et les rêves), le rêveur silencieux près de sa fenêtre observe le dehors, replié en son dedans, perdu dans ses songes d’eau.

C’est d’une écriture concise, ciselée, où chaque mot trouve sa place dans la sobriété et le dépouillement, que le poète convoque l’enfance, la solitude, la femme, la maison des souvenirs, tout derrière la fenêtre remonte dans la lueur du soir, dans l’air léger, dans le rectangle d’un paysage, dans la nuit d’une chambre à venir ou dans le plein jour d’un midi / passant sur les vitres.

 

Marie-Josée Desvignes

 


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A propos de l'écrivain

Louis Raoul

 


Louis Raoul est né en 1953 à Paris où il réside toujours, a exercé divers métiers dont celui de la Banque actuellement.


Autres publications (extraits) :

"Des rues sous la mer" (Le Chasseur abstrait, 2011)
"Sources du manque" (Ex Aequo, 2010)
"La Robe passante" (Chloé des Lys, 2009)
"Reconnaître le corps" (Clapàs, 2009)

 

A propos du rédacteur

Marie-Josée Desvignes

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Marie-Josée Desvignes

 

Vit aux portes du Lubéron, en Provence. Enseignante en Lettres modernes et formatrice ateliers d’écriture dans une autre vie, se consacre exclusivement à l’écriture. Auteur d’un essai sur l’enjeu des ateliers d’écriture dès l’école primaire, La littérature à la portée des enfants (L’Harmattan, 2001) d’un récit poétique Requiem (Cardère Editeur, 2013), publie régulièrement dans de très nombreuses revues et chronique les ouvrages en service de presse de nombreux éditeurs…

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