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Poèmes d’après suivi de La route de sel, Cécile A. Holdban

Ecrit par Marie-Josée Desvignes 19.05.16 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Arfuyen, Poésie

Poèmes d’après suivi de La route de sel, avril 2016, 160 pages, 14 €

Ecrivain(s): Cécile A Holdban Edition: Arfuyen

Poèmes d’après suivi de La route de sel, Cécile A. Holdban

 

Creuser la matière amour, chercher dans la nuit du monde l’essence sauvage de nos vies, atteindre à ces eaux frémissantes, l’espoir chevillé au cœur plein de « peut-être », quand le mystère du temps absorbe toutes les déchirures :

« Combien de passages

encore sur cette terre

combien de mues

combien de peaux

entassées dans l’amas

des feuilles mortes ? »

« Traduire l’indicible » nous dit Cécile Holdban dans la postface à ce double recueil, un ensemble traversé par les mots des poètes, sa redevance à Juarroz, Novalis, Akhmatova, Janet Frame, Pierre-Albert Jourdan, Sylvia Plath, Lorand Gaspar, etc., percer les couches superficielles de la matière pour atteindre au beau. La poésie, précise-t-elle, est « un glissement perpétuel de la langue d’où surgit une vérité que l’on souhaite à la fois intime et universelle, comme le jaillissement d’un puits artésien, où l’eau fore une couche imperméable pour en atteindre une autre, qui en reçoit également de plus haut, de telle sorte qu’une pression s’exerce et la contraint à s’écouler vers le haut ».

Le poème se fait mouvement du dedans vers le dehors, du bas vers le haut, tour à tour immobile dans le corps et mouvant dans le monde, traversé des lumières et des ombres intérieures et de celles du monde.

C’est dans l’enfance et le souvenir que parfois

« A l’océan, détourné par les vagues

certains soirs un chemin obscur est promis »

Sous l’égide de l’Evangile apocryphe de St-Jean, la poète dit : « Je veux délier et je veux être délié[e]», alors monte une ode aux nuages, une prière aux arbres :

« Murmurez, bénissez, soyez nos étoiles sur terre, versez le ciel, répandez les pluies sur nos têtes, enlacez-nous de vos feuillages, abritez-nous de vos cellules, faites-nous naître du bois des arbres ».

Portés par la grâce, les mots jaillissent au fil des pages dans une écriture serrée et souple à la fois, hommage au vent, au ciel, aux « régions hautes de la nuit », aux océans, aux origines, aux êtres, aux étoiles, aux « nuits horizontales », aux oiseaux, aux artistes, aux poètes de l’image et du son. « Les paysages dorment car le monde se retourne sans cesse ».

Poésie mystique qui abrite l’ombre et la lumière des jours, qui accueille l’âme du poète, lie ses poignets aux éléments, au ciel et aux nuages, à la vallée des origines :

« Où vas-tu ?

Dans l’or des fontaines

la harpe des sources

convie la lumière

poussière d’eau et d’air

parmi les mousses ».

La Route du sel est éblouissement, émerveillement incessant pour une nature toujours exaltée et belle, dans l’humilité et la tendresse accordées aux murmures du Tout si grand :

« L’univers qui compose en toi le silence est un paysage.

tu es la langue en ce paysage, sa langue, son voyage.

ton visage règne sur ses étendues, forme ses océans,

dans ses eaux changeantes, ta plénitude croît ».

Cette route du sel nous enlève au sol et c’est dans l’épaisseur du jour, les yeux levés toujours plus haut que nous voguons, avec la poète, les bras grands ouverts vers des espaces lumineux.

« L’arbre et la branche

où reposait l’oiseau

sont devenus récifs

lumière consumée dans le bras du vent ».

C’est un contact sensuel de la peau, de l’oreille et de l’œil, où les doigts se perdent dans la caresse du vent ou le froid de la terre, où les sons nous parviennent à travers l’ombre des nuages, où les couleurs se mélangent en grappes de soleil dans les feuilles, en « cascades d’ombres et d’amour », où le cœur bondit « avec le torrent », où la bouche chante « le visage oublié », « le ciel », « le sang des jours », « le cristal renversé des nuits »

« Là où mon âme me porte

nul oiseau n’est jamais allé

mon âme, fends l’espace

à travers les nuées

ton aile est plus rapide

que celle des oiseaux ».

 

Marie-Josée Desvignes

 


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A propos de l'écrivain

Cécile A Holdban

 

Cécile A Holdban est née en 1974 à Stuttgart. Hongroise par sa mère, après une enfance en France, elle décide à l’adolescence de poursuivre sa scolarité dans un internat hongrois, dans la campagne bavaroise dont elle conserve la nostalgie. Elle compose à cette époque ses premiers poèmes en hongrois, sa langue maternelle qui l’a bercée à travers chants et poésies que lui contaient sa mère et sa grand-mère. Depuis toujours attirée par les langues, elle suit, pendant quatre ans aux Langues Orientales, des études de linguistique au cours desquelles elle s’initie à la civilisation finlandaise et au quechua, et, surtout, entreprend ses premières traductions du poète hongrois Weöres Sándor. Sensible aux arcanes de la nature, cette passionnée de botanique est aussi une grande voyageuse dans l’âme, dont les itinérances l’ont conduite en Europe de l’Est, en Amérique du Sud et en Asie. C’est au hasard d’une discussion autour des jardins japonais, dans la librairie où elle travaille, qu’elle confie quelques poèmes à l’écrivain et éditeur Jean-Roger Geyer. Ce dernier, enthousiasmé, en lira quelques-uns lors du Marché de la Poésie, en 2011, qui seront aussitôt remarqués par Angèle Paoli, la créatrice du site Terre de Femmes, où elle publie pour la première fois un de ses poèmes. Ciel passager est son premier recueil. Cécile A Holdban prépare également une anthologie de Weöres Sándor pour la célébration de son centenaire en 2013 et un recueil de haïkus (éléments de biographie empruntés à son premier éditeur L’échappée belle Editeur).

 

A propos du rédacteur

Marie-Josée Desvignes

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Marie-Josée Desvignes

 

Vit aux portes du Lubéron, en Provence. Enseignante en Lettres modernes et formatrice ateliers d’écriture dans une autre vie, se consacre exclusivement à l’écriture. Auteur d’un essai sur l’enjeu des ateliers d’écriture dès l’école primaire, La littérature à la portée des enfants (L’Harmattan, 2001) d’un récit poétique Requiem (Cardère Editeur, 2013), publie régulièrement dans de très nombreuses revues et chronique les ouvrages en service de presse de nombreux éditeurs…

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