Poèmes d’après suivi de La route de sel, Cécile A. Holdban
Poèmes d’après suivi de La route de sel, avril 2016, 160 pages, 14 €
Ecrivain(s): Cécile A Holdban Edition: Arfuyen
Creuser la matière amour, chercher dans la nuit du monde l’essence sauvage de nos vies, atteindre à ces eaux frémissantes, l’espoir chevillé au cœur plein de « peut-être », quand le mystère du temps absorbe toutes les déchirures :
« Combien de passages
encore sur cette terre
combien de mues
combien de peaux
entassées dans l’amas
des feuilles mortes ? »
« Traduire l’indicible » nous dit Cécile Holdban dans la postface à ce double recueil, un ensemble traversé par les mots des poètes, sa redevance à Juarroz, Novalis, Akhmatova, Janet Frame, Pierre-Albert Jourdan, Sylvia Plath, Lorand Gaspar, etc., percer les couches superficielles de la matière pour atteindre au beau. La poésie, précise-t-elle, est « un glissement perpétuel de la langue d’où surgit une vérité que l’on souhaite à la fois intime et universelle, comme le jaillissement d’un puits artésien, où l’eau fore une couche imperméable pour en atteindre une autre, qui en reçoit également de plus haut, de telle sorte qu’une pression s’exerce et la contraint à s’écouler vers le haut ».
Le poème se fait mouvement du dedans vers le dehors, du bas vers le haut, tour à tour immobile dans le corps et mouvant dans le monde, traversé des lumières et des ombres intérieures et de celles du monde.
C’est dans l’enfance et le souvenir que parfois
« A l’océan, détourné par les vagues
certains soirs un chemin obscur est promis »
Sous l’égide de l’Evangile apocryphe de St-Jean, la poète dit : « Je veux délier et je veux être délié[e]», alors monte une ode aux nuages, une prière aux arbres :
« Murmurez, bénissez, soyez nos étoiles sur terre, versez le ciel, répandez les pluies sur nos têtes, enlacez-nous de vos feuillages, abritez-nous de vos cellules, faites-nous naître du bois des arbres ».
Portés par la grâce, les mots jaillissent au fil des pages dans une écriture serrée et souple à la fois, hommage au vent, au ciel, aux « régions hautes de la nuit », aux océans, aux origines, aux êtres, aux étoiles, aux « nuits horizontales », aux oiseaux, aux artistes, aux poètes de l’image et du son. « Les paysages dorment car le monde se retourne sans cesse ».
Poésie mystique qui abrite l’ombre et la lumière des jours, qui accueille l’âme du poète, lie ses poignets aux éléments, au ciel et aux nuages, à la vallée des origines :
« Où vas-tu ?
Dans l’or des fontaines
la harpe des sources
convie la lumière
poussière d’eau et d’air
parmi les mousses ».
La Route du sel est éblouissement, émerveillement incessant pour une nature toujours exaltée et belle, dans l’humilité et la tendresse accordées aux murmures du Tout si grand :
« L’univers qui compose en toi le silence est un paysage.
tu es la langue en ce paysage, sa langue, son voyage.
ton visage règne sur ses étendues, forme ses océans,
dans ses eaux changeantes, ta plénitude croît ».
Cette route du sel nous enlève au sol et c’est dans l’épaisseur du jour, les yeux levés toujours plus haut que nous voguons, avec la poète, les bras grands ouverts vers des espaces lumineux.
« L’arbre et la branche
où reposait l’oiseau
sont devenus récifs
lumière consumée dans le bras du vent ».
C’est un contact sensuel de la peau, de l’oreille et de l’œil, où les doigts se perdent dans la caresse du vent ou le froid de la terre, où les sons nous parviennent à travers l’ombre des nuages, où les couleurs se mélangent en grappes de soleil dans les feuilles, en « cascades d’ombres et d’amour », où le cœur bondit « avec le torrent », où la bouche chante « le visage oublié », « le ciel », « le sang des jours », « le cristal renversé des nuits »…
« Là où mon âme me porte
nul oiseau n’est jamais allé
mon âme, fends l’espace
à travers les nuées
ton aile est plus rapide
que celle des oiseaux ».
Marie-Josée Desvignes
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