Peeping Tom, Alessandro Mercuri
Peeping Tom, Editions Léo Scheer, 2011, 186 pages, 18 €
Ecrivain(s): Alessandro Mercuri Edition: Léo ScheerPeeping Tom. Le voyeur en français. Comme le film de Michael Powell dans lequel un caméraman-tueur filmait les derniers instants de ses victimes, avant de les tuer. Le père de tous les snuffmovies.
Voilà un ouvrage étrange. Etrange n’est peut-être pas le mot qui convient le mieux, mais le premier qui vient à l’esprit quand on se retrouve devant ce livre qui ne ressemble à nul autre.
Les deux phrases en exergue donnent le ton.
« Créature mortelle et fugace, l’homme ne pouvant être voyant, doit être voyeur ». (Polyphème de Sicile, Mensonge et persuasion, VIe siècle, av. J.-C.).
“One of the great things about books is sometimes there are some fantastic pictures » (George W. Bush, 2000 ap. J.-C.).
Peeping Tom est ainsi constitué d’un ensemble de textes, qui n’ont pas de lien entre eux, mais aussi d’images. Des photos, des dessins, des gravures. Des compositions de l’auteur. Mais on va aussi naviguer de l’antiquité, les philosophes les plus érudits, à son contraire le plus absurde, le plus décalé, voire le plus bête.
Peeping Tom commence comme une sorte d’essai philosophique (mais n’est-ce pas, en fin de compte, un essai philosophique ?) où il est question de Schopenhauer et, plus particulièrement, de son livreL’art d’avoir toujours raison. C’est du sérieux, très sérieux, références à l’appui. Mais, c’est aussi très lisible. On n’est pas dans le pensum roboratif et indigeste, à essayer de comprendre chaque phrase, chaque sens, chaque double sens. Il y a même une certaine légèreté de ton, qui ne permet que de rendre le propos plus mordant.
L’auteur introduit la série B dans la philosophie. La série B (le film ou livre de genre, le policier, le fantastique, la science-fiction) est ici lié mis sur le même plan que des sujets dits plus « sérieux », « officiels ». Et ceux-ci expliquent ceux-là et inversement. Par exemple des séquences du film fantastique The Wolf Man, avec Lon Chaney, de 1941, viennent illustrer son article sur Schopenhauer.
Le voyage continue. Les invités sont nombreux et présentent des profils très variés. Au fil des pages, on croise Michel Onfray, Nicolas Sarkozy, Mandrake et Mandrake (le réel et le personnage fictif), des toons, Hegel, le Christ et Pietro della Francesca, Superman, des extraterrestres, des muses pornographiques, Eisenstein…
Alessandro Mercuri ose et réussit le grand écart. Il traite des sujets sérieux avec légèreté et des sujets légers avec sérieux. Il ne se prend pas au sérieux, et cela lui permet d’être d’autant plus incisif et pertinent. Mais il nous en apprend aussi beaucoup.
Yann Suty
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