Parages 02, Revue du Théâtre National de Strasbourg
Parages 02, Revue du Théâtre National de Strasbourg, avril 2017, 192 pages, 15 €
Edition: Les solitaires intempestifs
« Dans les parages »
Numéro 2
Comme le deuxième film dont la sortie est tant redoutée, comme une route dont la construction avance derrière d’énormes engins de chantier, Parages 02, la revue du TNS, est autant affaire de (re)connaissance (son format, sa typo, sa mise en page, ses textes et ses photos et « son équipe éditoriale ») que renouveau. Ainsi revenir dans les parages du théâtre d’aujourd’hui, des auteurs qui l’écrivent, des metteurs en scène qui le révèlent sur le plateau, des éditeurs qui le sanctifient, des lecteurs qui le découvrent dans la solitude de leur silence, mais toujours par des chemins de traverse.
Les mêmes : Frédéric Voissier, Mohamed El Khatib, Joelle Gayot, David Léon, Claudine Galéa ou Christophe Pellet, Lancelot Hamelin, Bérénice Hamidi-Kim, etc. Une revue n’est-elle pas justement esprit d’équipe (« esprit » dans toute la force du mot), approches partagées de l’écriture dramatique contemporaine ?
Du nouveau : Samuel Gallet en dialogue avec son ancien maître de l’ENSATT, Enzo Cormann, autour de la question de l’apprentissage de l’écriture dramatique ; un bel hommage aussi à Rudolf Rach, directeur de L’Arche éditeur depuis 1986, à travers diverses contributions dont une de sa main, consacrée à sa visite en Haute Autriche, à l’immense Thomas Bernhard, ou les photos en noir et blanc de Jean-Louis Fernandez, de la librairie de l’Arche, proche du jardin du Luxembourg.
Et la beauté des découvertes, des inédits. Ce qui frappe d’ailleurs dans Parages 02, c’est l’écriture créatrice de gens du théâtre, qui s’affranchit de la forme dialogique avec ses didascalies. Pour reprendre l’expression d’un des auteurs, il s’agit de « la friction du récit et des dialogues ». Il est question d’un récit ou d’un échange dans lequel la parole circule mais sans passer par la convention dramatique, la mise en forme d’un personnage défini. Miss Monde De Christophe Fiat ouvre Parages 02. Mohamed El Khatib prolonge en quelque sorte Finir en beauté avec Faut pas pleurer, parole que l’auteur adresse à sa mère, peu de temps avant sa mort, lors de son transfert de chez elle à l’hôpital, tandis qu’il ne peut lui, retenir ses larmes. David Léon propose deux pages denses, à corps perdu, où se superposent, jusqu’au retour du même, l’écriture en acte et l’écriture en action : le désir et son dire. Claudine Galéa dans Faire expérience joue sur un récit qui avance dans l’interrogation cachée du souvenir de l’adolescence (le sexe et ses mots) introduite et refermée sur une photo en couleur d’Isabelle Vaillant, et la contribution de JR Lemoine à son tour se fait l’écho du texte qui le précède, évoquant un souvenir d’adolescent de treize ans, qui lors d’un voyage linguistique en Angleterre découvre libération et désir.
Une autre forme littéraire s’affirme dans la revue, celle des correspondances qui s’inscrivent dans un jeu entre réalité et fiction. Eric Noël et Christophe Pellet imaginent une très belle parole en mailing de deux hommes, dans Amour. Membres fantômes. Victor et Kaspard de loin en loin dans le temps et la distance des villes se disent leur impossible amour et l’espérance d’un retour. Alexandra Badea et Anna Théron s’écrivent durant l’été 2016, parlant de leurs lectures, de leurs impressions de vie. Dans Amour. Politique des larmes.
Collage textuel autour de Pauline Peyrade et retour en fin de revue, à la vie d’un théâtre, Le théâtre du Rond-Point, à son histoire, en texte et en photo par Laurent Hamelin.
Le prochain numéro de Parages paraîtra en décembre 2017.
Marie Du Crest
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