Ork, Jacques Cauda
Ork, La P’tite Hélène éditions, juillet 2017, 128 pages, 13 €
Ecrivain(s): Jacques Cauda
Jacques Cauda : ribouldingue de pétochards
Dès le début du roman de Cauda, le lecteur comprend où il pénètre : « La porte bâillait comme les cuisses d’une femme ouvertes au plaisir ». Il est à noter au passage la précision syntaxique : la brèche libidinale anime les membres plus que le personnage lui-même. Et tout est donc notable dans le livre sauf ses héros : les mâles, si l’on en croit l’incipit de Lacan, sont victimes de « l’élision du phallus ». Quant aux blondes en tailleur chic, à Madame Aubain – dont le sexe semble sage « au fond d’une robe pure » avant que sa jupe se retrousse jusqu’au slip – et bien d’autres, deviennent – entre Deauville et Trouville la bien nommée – tétons ou victimes d’une enquête filée dans un fourre-tout qui n’a rien d’étouffe chrétiens – les morts étant plus saignantes et tartares.
L’auteur s’amuse à tartiner sur canapé ou sur jeté chabadabique une culture des plus délicieusement prétentieuses. Citons dans la play-list : Baudelaire, Hugo, Proust, Duras, l’abbé Morellet, Lester Young, Cézanne, Maigret (sans canard), Poe (qui n’en manque pas), Godard, quelques Sourates et autant de souris, Boucher, Van Dyck, Charlie Parker ; Boudin (aux pommes), Picasso ; Rodin et Redon (entendons Odilon), St Thomas, Le Christ himself et bien d’autres. Une nouvelle fois, Cauda en profite pour parler du sexe et de ses tuyaux. En plombier de Saint Paul, il devient l’horloger des grandes heures d’une enquête qui ressemble à un carré rouge sur fond noir.
Mais le cadavre est plus ombre que proie au sein d’une longue dérive entre viscères et vie chère (à Trouville tout étant hors de prix – même la mort), bouchère. L’auteur mêle le style roman de gare à la fouille de pistes qui ressemblent à une suite de couilles d’envergues. Dans un mixage phrastique et sociopolitique, Cauda ratisse en se gondolant (même si Venise n’est pas ici). Si bien qu’il arrive parfois à se demander si le coupable est parmi ses personnages.
Impertinent, l’auteur le souligne lui-même, avant de subodorer une criminelle pas plus invraisemblable que les autres pour mettre ses potes en ciel. Le bilan de l’histoire sera tout compte fait aussi négatif qu’absolu. Dans ce rouge émis, Gabin aurait été aussi crédible que Madame Bouttin sous Rocco Siffredi. Cauda a eu soin d’offrir d’autres personnages avant que Marraine expose dans un carnet sa flore maritime. Ce raout d’égout en couleurs ne peut que ravir les gars de la sardine comme les hôtes de l’hôtel Normandy. Yeah men !
Jean-Paul Gavard-Perret
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