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Obstaculaire, Cédric Demangeot (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres le 21.03.22 dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie, L'Atelier Contemporain

Obstaculaire, Cédric Demangeot, L’Atelier Contemporain, mars 2022, ill. Ena Lindenbaur, 128 pages, 20 €

Obstaculaire, Cédric Demangeot (par Didier Ayres)

 

Brutalisme

Je me suis permis de qualifier de brutalisme la poésie de Cédric Demangeot même si ce terme s’applique généralement à l’architecture. Je le fais car cela semble qualifier cette langue pleine de coins, d’angles, de surfaces brutes, d’excroissances parfois organiques, de moulages à froid. Où l’on y décèle nettement les architectures de sa pensée. J’y ai vu une esthétique de la brutalité.

Avant de poursuivre, je rappellerai les mots de Jean Genet qui écrit (je cite de mémoire) : J’appelle violence une audace au repos amoureuse des périls. Et même si cette poésie chante l’audace, elle chante surtout le péril, celui d’un ossuaire, d’obstacles au regard en soi, chantant une vérité sans apprêt, brut de décoffrage en un sens.

Pour améliorer mon propos, je dirais que cette langue est prise dans un phrasé qui autorise à la fois le silence et la violence de la forme, une écriture dont l’emphase n’est pas niaise. Une écriture de la pierre, de l’os sous forme de staccato, livrée à des sons, des flashes, des mises au point brutes, et en un sens désespérée. On y parle de sang, de sperme, de viande, de sécrétions calcaires, de blessure. Ainsi, essentiellement une poésie de la cicatrice.

 

Regarde monter

les terrassements.

Depuis la fenêtre

éteinte, on les voit

s’empiler avec lenteur

sous le sommeil empierré

du village. Au matin, j’

entends les terrassiers

se taire, et déjeuner à treize heures

et leur façon de brutaliser la colline

et leur façon de l’aimer : à mains nues

jetée nues – données

pour perdues –

dans le bleu contrariant de carrière.

Il faut quand même dire aussi un mot des illustrations de Ena Lindenbaur. Ce sont des figures justement comme points de suture, traits en angle, saccadés, dessinant des espaces où se produire, effaçant aussi parfois des figures par des biffures. Donc un dessin organique et tremblé.

 

Didier Ayres


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A propos du rédacteur

Didier Ayres

 

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Rédacteur

domaines : littérature française et étrangère

genres : poésie, théâtre, arts

période : XXème, XXIème

 

Didier Ayres est né le 31 octobre 1963 à Paris et est diplômé d'une thèse de troisième cycle sur B. M. Koltès. Il a voyagé dans sa jeunesse dans des pays lointains, où il a commencé d'écrire. Après des années de recherches tant du point de vue moral qu'esthétique, il a trouvé une assiette dans l'activité de poète. Il a publié essentiellement chez Arfuyen.  Il écrit aussi pour le théâtre. L'auteur vit actuellement en Limousin. Il dirige la revue L'Hôte avec sa compagne. Il chronique sur le web magazine La Cause Littéraire.