Nuit sauvage et ardente, Parme Ceriset (par Charles Duttine)
Nuit sauvage et ardente, Parme Ceriset, Editions du Cygne, janvier 2024, 98 pages, 13 €
Ecrivain(s): Parme Ceriset Edition: Editions du Cygne
La nuit en sa douce violence
La nuit a souvent inspiré de nombreux artistes, écrivains et poètes. Pour n’en rester qu’aux plus grands, la nuit est ce que l’on aime « avec passion »… « comme on aime son pays ou sa maîtresse, d’un amour instinctif, profond, invincible » pour reprendre les mots de Maupassant. Elle possède une « douleur sombre » chez Marceline Desbordes-Valmore. Et pour l’énigmatique et extraordinaire Baudelaire qui lui a consacré de nombreux poèmes, elle est « voluptueuse » et s’accompagne de « rafraîchissantes ténèbres ». Les poètes ne peuvent que l’aimer, peut-être parce qu’elle exacerbe leur profonde sensibilité, invite au recueillement et stimule leur imagination fantasque. Parme Ceriset, dans son dernier recueil, a choisi comme titre Nuit sauvage et ardente, affublant la nuit de deux adjectifs riches de promesses.
Pour Parme Ceriset, la nuit est « ardente ». Il y a chez les amants « ce feu brûlant dans (le) regard », un « torrent de braise », ou encore elle est le cadre « d’une danse brûlante des corps », là où se compose un poème amoureux puisqu’on « écrit sur l’amant les frissons de l’extase ». L’amour y est :
« fruité comme une mangue
et frais comme une cascade
un amour fou, bouillonnant, sauvage, pluies d’étoiles
un amour de glace et de feu mêlé… »
Cette sensualité forte et recherchée que nous confie Parme Ceriset, avec ses mots choisis, renvoie certainement à son parcours de vie. Un itinéraire à la teneur orphique. Comme Eurydice, elle « revient d’outre-tombe… du néant », toujours marquée par des « plaies incandescentes ». On comprend dès lors son goût intense de la vie, de la liberté et sa volonté d’agripper avec force l’intensité de chaque instant.
Cette nuit, Parme Ceriset la qualifie également de « sauvage ». Elle est, en effet, associée à la nature. Une nature sous toutes ses formes, celles des paysages calmes ou violents. A la façon des romantiques allemands où l’intérieur et l’extérieur, la nature et l’intime se confondent, la jeune poétesse nous parle des « hauts plateaux de l’âme », de « plaines arides du silence », ou encore du « vent qui se délecte à bercer (…) de ses caresses folles ». Une nature animale également puisqu’il y est question de « louve », de « fauve ». Un monde végétal ou minéral encore où tout semble être brut, avec des « rivières de lave », des « narcisses… frôlés par les assauts du vent » et des « rages d’écume ».
Ce qui frappe dans ce recueil, c’est bien cette omniprésence des paysages ; la terre et le ciel s’y donnent rendez-vous, non pas une nature étriquée, mais les grands espaces, de larges horizons. Le monde y chante avec ampleur. Tous les sens sont présents, « l’aube bleue », « des effluves fruités », « un bain de lumière », « la brume infusée d’essence de glycines » et « le souffle du vent » ; la vue, le goût, le toucher, l’odorat, l’ouïe se font écho. Un nombre revient fréquemment « mille » pour déterminer tout ce que la nature peut offrir. Une façon d’embrasser ou de « saisir l’insaisissable » comme disait Philippe Jaccottet.
Malgré tout, dans ce monde qu’on pourrait croire uniquement exaltant, planent des menaces. Il y est question de « pluies assassines », du « chant déchirant des villes », de « cendres », de « part d’ombre » ou « d’étoile noire ». Malgré ces menaces, ce recueil se veut une leçon d’espérance. Sous les nuages, l’envolée reste encore de mise. Pas question d’abdiquer, de se résigner ou de renoncer « sous la pluie, sous l’orage, sous les grêlons ». Parme Ceriset opte pour l’affirmation qu’on l’appelle l’amour, « la rage de vivre » ou la foi en la poésie.
Charles Duttine
Parme Ceriset vit entre Lyon et le Vercors. Médecin de formation, elle a été sauvée en 2008 par une greffe des poumons après quatre ans sous oxygène. Elle est l’auteure de plusieurs ouvrages dont Boire la lumière à la source ; Femme d’eau et d’étoiles (Prix Marceline Desbordes-Valmore 2021) ; et Le Serment de l’espoir.
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