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Nous avons les mains rouges, Jean Meckert (par Jean-François Mézil)

Ecrit par Jean-François Mézil 04.03.20 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Joelle Losfeld, Roman

Nous avons les mains rouges, Jean Meckert, décembre 2019, 307 pages, 12,80 €

Edition: Joelle Losfeld

Nous avons les mains rouges, Jean Meckert (par Jean-François Mézil)

 

Un homme, la vingtaine. La France sort de la guerre, lui de prison : il a purgé sa peine. Le gardien-chef l’appelle 34, mais on sait son prénom, Laurent, et on ne tardera pas à connaître son nom : Lavalette. On apprendra aussi bientôt la raison de l’incarcération : « J’ai tué un homme ».

On suit Laurent chez le percepteur. Il y récupère le pécule qu’il a gagné à la prison. Il cherche « une maison à femmes » (vingt-deux mois de continence, c’est long). Avenue de la Gare. Le prochain train pour Paris ? 17h18. Il n’est que 9h20, il faut tuer huit heures. Laurent entre dans un café :

– Vous avez du vin blanc ?

– Du rouge ! dit la femme. Vous voulez un canon ?

Une camionnette qui n’est pas de première jeunesse (« les pneus montraient leur toile et la bâche était rapiécée ») s’arrête devant le café. Deux hommes en sortent : un « énorme gaillard » (Armand de son prénom) ; le second plus âgé. Il se présente :

– Mon nom est Jules-Antoine-Auguste d’Essartaut. J’ai une scierie dans la montagne et il m’arrive de donner une chance de renouvellement moral à ceux qui sortent de purger leur peine… Veux-tu que je t’emmène ?

Comme on s’en doute, Laurent finit pas accepter, qu’est-ce qu’il risque ?

D’Essartaut a deux filles. Hélène est l’aînée. Christine est muette (elle se sert d’une ardoise) et sourde (elle lit sur les lèvres).

Dans cette maison « étrange, anachronique et infiniment attirante », gravitent plusieurs personnes dont Bertod, pasteur de son état, et Fructueux, « le fils du château » qui bégaie.

Qui sont ces gens ? Les membres d’un maquis local dont d’Essartaut était le chef. La guerre est finie, les Allemands sont partis, mais le groupe demeure. Pas question de perdre la main. Il s’agit à présent (c’est Fructueux qui parle) de « porter le fer rouge dans la g… angrène », une « œuvre de salut p… p… ublic » qui consiste à éliminer « les enrichis du noir […] la race des lâches » ou, dit plus joliment (cette fois, c’est Hélène) de « redonner au monde le goût du beau vivre qu’il a perdu ».

– Non, dit Bertod, la guerre n’est pas finie ! La guerre contre le mal, la guerre contre la démence, contre l’immoralité.

– Tout de même, dit Laurent, ce ne sont plus des Boches !

– Bah ! fit le grand. Quelle différence ?… Les Allemands qu’on a tués sont morts en faisant leur devoir. On a descendu les soldats d’Hitler. On descendra maintenant les soldats de Saint-Plouc. C’est l’ennemi !

Car pour Armand, qui ne fait pas dans la dentelle, « Le principal, c’est qu’on casse la gueule aux grosses vaches » et, comme il le dit lui-même « moi, j’ai du répondant dans mon bénar ! ».

Ça vire de plus en plus au règlement de comptes à la Tontons Flingueurs, à coup d’arrosage à la « mit » et de distribution de « citrons ».

Avec, à l’arrivée, l’amertume et le doute : « Nous avons lutté pour un idéal de paix et de justice. Et nous n’avons trouvé ni la paix ni la justice ! »

 

Voilà donc un roman sur la résistance (ou post-résistance). Une résistance non idéalisée (comme elle l’est, sans qu’on puisse comparer les deux livres, dans Les Cerfs-volants de Romain Gary).

Un roman qu’on dira bien ficelé, sorti en 1947.

Le mérite de l’éditrice est de l’avoir remis au goût du jour, et avec lui son auteur.

 

Jean-François Mézil

 

Jean Meckert fait une entrée fracassante dans le monde des lettres avec Les coups, publié en 1940 par Gallimard et salué par Gide, Queneau, Martin du Gard et bien d’autres. C’est en 1947 qu’il publie Nous avons les mains rouges. Quatre mois avant Sartre, il s’attaque à la Résistance et à l’épuration qui a accompagné la Libération.

[source : Joëlle Losfeld, quatrième de couverture]


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A propos du rédacteur

Jean-François Mézil

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Jean-François Mézil est né à Cannes. Il vit et écrit à Lautrec. Il a publié, à ce jour, trois romans.