Nos lieux communs, Chloé Thomas
Nos lieux communs, août 2016, 173 pages, 16,50 €
Ecrivain(s): Chloé Thomas Edition: GallimardLa croyance à la révolution est-elle risible et naturellement hors de propos ? Chloé Thomas, dans son premier roman, s’attache à radiographier l’histoire de Bernard et Marie, étudiants dans les années soixante-dix, partis rejoindre les ouvriers en usine. Leur fils, Pierre, élevé solitairement par Bernard que sa compagne a quitté, tente avec l’aide de Jeanne, son amie, de reconstituer l’itinéraire de ce couple, mal placé dans l’histoire, arrivant toujours après les grandes batailles déjà livrées par d’autres générations ou perdues d’avance. Il faut constater que l’auteur n’éprouve guère d’empathie à l’égard des engagements politiques et convictions de ses personnages. Ils sont dépeints comme des êtres inauthentiques, dont les choix tombent, forcément, à plat :
« Au moins, avec le temps, avaient-ils donc appris, les autres, à ne pas s’émouvoir de la beauté supposée du geste ouvrier, des grandes mains puissantes et couturées. Leur propos n’est plus esthétique. Peut-être est-ce cela, la recherche du beau et ce goût du lyrique, qui les avait perdus, eux. C’était pourtant de leur âge ».
On attend tout au long du récit un soupçon de sympathie, de tendresse, pour ce couple d’adolescents en retard d’une époque, en recherche d’une révolution introuvable. Il ne vient jamais, et c’est un véritable réquisitoire qui s’abat sur eux :
« On y allait surtout pour pousser les ouvriers à s’organiser, à mettre en place des actions, à réfléchir à leur condition, mais à propos de laquelle on avait déjà nos grilles de lecture à nous ».
Bien sûr, pour le cas où l’on ne l’aurait pas encore compris en avançant dans la lecture du roman, ils ont faux sur toute la ligne, ces petits jeunes coupables de croire à l’utopie, ils ont à peine droit aux circonstances atténuantes. L’utopie fait partie de ces « Lieux communs », elle est détestable à ce titre. Dommage que l’orientation du roman n’ait pas été plus équilibrée. Certaines analyses des mentalités de l’époque sont justes, en ce qu’elles décèlent les naïvetés des convictions de certains révolutionnaires de cette époque, mais elles ne convaincront pas le lecteur qui sera aussi assez vite lassé des emplois incessants des parenthèses et des répétitions de vocabulaire.
Stéphane Bret
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