Ni vivants ni morts, Federico Mastrogiovanni (2ème critique)
Ni vivants ni morts, février 2017, trad. espagnol François Gaudry, 240 pages, 18 €
Ecrivain(s): Federico Mastrogiovanni Edition: Métailié
Un époustouflant travail de journaliste sur un sujet qui fait frémir, donne des frissons dans le dos : la disparition forcée au Mexique.
Fruit d’une longue enquête d’investigation, semée d’aléas – on est dans un pays qui occupe militairement le territoire, sans oublier les nervis et autres surveillances –, le livre relate, par entretiens interposés, l’histoire réelle de nombreuses disparitions dans un pays troublé, victime d’actions violentes de groupes paramilitaires et d’autorités policières qui n’ont rien du travail de protection des populations civiles.
L’essai montre à suffisance le rôle négatif des gouvernements mexicains et leurs liens avec les groupes les plus violents (les Zetas, par ex.).
Rencontrant les victimes, familles des victimes – qui luttent pour une reconnaissance des disparitions forcées –, l’auteur a parcouru le Mexique de long en large pour attester de la terreur imposée à la population et s’interroger sur les causes du phénomène.
Le récit de ce qu’ont enduré les victimes de ces disparitions a tous les gages de réalisme et de vérité. Les entretiens éclairent les circonstances dans lesquelles les jeunes ou moins jeunes ont disparu.
Le travail journalistique met au jour les Etats où le plus grand nombre de disparitions ont eu lieu : étrangement, des Etats qui regorgent de mines d’or et dont les populations sont écartées, violentées, dépossédées de leurs terres. Les Etats du Chiapas, de Guerrero, d’Oaxaca occupent ainsi le tableau de tête.
Pourquoi Alan Céron, Vaquero Galactico, le fils de Nepomuceno, les 43 étudiants de l’école normale d’Ayotzinapa et tant d’autres ont-ils disparu ? Sans doute pour semer la terreur dans les familles, les villages. Sans doute pour étouffer les résistances de populations entières.
Dans cette tragédie, les présidents, les gouvernements, les autorités policières et les instances judiciaires ont leur part de responsabilité, et Mastrogiovanni n’élude aucune part d’ombre dans ce pays miné, non seulement par les cartels violents de la drogue, mais par la collaboration constante des autorités politiques aux violences exercées contre la population.
On sort de ce livre ébranlé, anéanti, tant les informations brutes nous atterrent. En ce sens, Mastrogiovanni poursuit le même travail qu’un Saviano pour alerter le grand public du monde sombre d’aujourd’hui.
Un constat terrifiant.
Philippe Leuckx
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