Nathalie Savey, Philippe Jaccottet
Nathalie Savey, Philippe Jaccottet, novembre 2015, 136 pages, 30 €
Ecrivain(s): Nathalie Savey Philippe Jaccottet Edition: L'Atelier Contemporain
Dans le cœur insituable du silence
Que sait-on, sans mot dire, du silence ? Le langage en n’est que l’érection relative, il est mâle. Le silence est féminin car absolu. Présent en toutes choses il est son dé-lié. Ainsi peut-il se dire absolu surtout lorsqu’une artiste s’en empare. Nathalie Savey devient l’Ange de l’Eveil (messagère du silence) qu’accompagne le poète (Jaccottet). Il veille à sa nuit et à son aube en émissaire du Levant. Si le langage est à la nature de l’être, l’image surgit avec l’artiste comme sa transnature. Tandis que le langage du poète est distance, la créatrice peut évoquer autrement que de loin le silence qui est coïncidence.
Nathalie Savey exalte une langue fœtale qu’elle fait fructifier. Elle donne au silence un autre sens, une autre vue. Tandis que l’homme des mots sera toujours celui de la limite, la créatrice participe à ce qui est infiniment plus qu’elle : elle la franchit animée d’un souffle prénatal que proposent ses images. Il faut en effet que l’être soit déserté de lui-même pour qu’il se sente habité par le silence dont personne n’est le gardien.
Si l’excès de parole n’est jamais qu’une révolte contre le détachement du silence, seule l’image parle le silence et sait ce que l’homme même silencieux ignore. Il est fermé sur lui-même par les sceaux de l’Aleph. Mais remontant au silence de la source de vie la créatrice est habitée par son arrière présence c’est pourquoi ses œuvres maintiennent ouverte la question de l’identité. De la confusion apparente surgit la différence entre l’idée et de réel par l’apparition d’image chargée d’eau vive. Un peu d’eau vive contre les larmes. Chaque prise est donc une présence poétique là où le paysage se métamorphose et vient ici dialoguer avec les textes de Jaccottet dans un espace indéfini, indescriptible.
Jean-Paul Gavard-Perret
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