Naguib Mahfouz poursuivi dans sa tombe !
"Souffles" in "Liberté"
“Lorsque la politique tombe, le régime chute. Mais lorsque la culture s’effondre, c’est tout le pays qui s’écroule”
Kassem Hawal.
Même si (houb) amour est le mot le plus répété, le plus défendu, le plus célébré dans les écrits romanesques et narratifs de Naguib Mahfouz, même si l’écrivain est entre de bonnes mains, celles du Bon Dieu, les salafistes eux n’ont pas pardonné au romancier. En ces jours où ils refont surface en égypte, et à l’occasion de son centenaire, Naguib Mahfouz est poursuivi jusque dans sa tombe. Inquiété dans sa quiétude éternelle !
En 1959, cheikh Mohamed Al Ghazali, alors fonctionnaire au ministère égyptien des Habous et des affaires islamiques chargé du dossier de la censure littéraire et artistique, a adressé un brûlant rapport sous forme d’une fatwa au président, le Raïs Nasser, lui demandant l’interdiction de toute publication du roman « Awlad Haretna » (Les enfants de Médine) de Naguib Mahfouz. Depuis, le roman demeure, officiellement, interdit de publication dans son pays. Et le romancier menacé dans sa vie personnelle jusqu’à sa mort le 30 août 2006.
Le 13 octobre 1988, le prix Nobel de littérature est décerné à Naguib Mahfouz. Il fut le premier et l’unique écrivain arabe et maghrébin, jusqu’à nos jours, qui a été décoré par cette prestigieuse distinction littéraire. Les salafistes s’acharnent contre lui. Redoublent de férocité.
Le 14 octobre 1994, un demi-siècle après la date de la fatwa promulguée par cheikh Al-Ghazali à l’encontre du roman Les enfants de Médine de Naguib Mahfouz, en pleine rue du Caire, ville que l’écrivain n’a jamais quittée, deux jeunes fanatiques islamistes ont tenté de l’assassiner. Le romancier le plus populaire, le plus célèbre, dans le monde arabe est attaqué par les enfants de Médine. Miraculeusement, il survit à cette tentative d’assassinat à l’arme blanche.
Il perd une partie de sa capacité physique. La main qui jadis maniait l’arme magique du roman s’est trouvée sans mouvement, handicapée. Il passa de l’écrit à la dictée. Le 30 août 2006, Naguib Mahfoud est décédé. Le jour de son enterrement, toujours, sous l’influence de la fatwa décrétée par cheikh Mohamed Al Ghazali à l’encontre de l’écrivain, des groupes de jeunes fanatiques ont branlé des slogans : “Qu'il aille en enfer, et nous prions Dieu de lui donner la punition maximale”.
La malédiction !
Le 11 décembre 2011, l’Égypte littéraire se prépare pour célébrer le centenaire de Naguib Mahfouz, l’enfant du Caire. Le pays est en pleine campagne électorale, les salafistes égyptiens, demandent l’annulation pure et simple de toutes les activités culturelles ou littéraires célébrant le centenaire de Naguib Mahfouz ! Ils font de cette interdiction leur “projet de société de demain !!”. Un fonds de commerce politico-religieux. Ainsi Naguib Mahfouz, l’écrivain le plus célèbre des Arabes, est poursuivi jusque dans sa tombe, jusque dans sa mort. Inquiété dans sa quiétude éternelle. Deux phénomènes sont la cible capitale, l’ennemi farouche des salafistes : la création et la femme.
Amin Zaoui
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