Moi aussi, Ariane Dreyfus
Moi aussi, Les Découvreurs, 2015, 126 p., 12,70 €
Ecrivain(s): Ariane Dreyfus
Ariane Dreyfus : Hantises de l’être
Ariane Dreyfus avec ses touches lumineuses au rythme des battements du cœur, du corps à l’aune de l’altérité, inaugure chez Les Découvreurs une nouvelle collection, « Voix de passage ». Elle a pour but « au moyen de textes soigneusement choisis et présentés par les auteurs eux-mêmes d’introduire et accompagner dans les classes quelques-unes des Voix par lesquelles passe ce qu’on pourrait appeler notre Défense et illustration de la poésie actuelle ».
Pour son livre, la poétesse a emprunté son titre à un vers minimaliste de Guillevic. Sa couverture rouge rappelle autant la chair d’éros que le Petit Chaperon Rouge appelé en exergue. Partant d’éléments familiers, sachant regarder, lire, observer, Ariane Dreyfus montre comment s’est métamorphosée son écriture en choisissant une présentation thématique en lieu et place du chronologique et selon huit temps : Petit Poucet va toujours, Le premier verbe : sortir, Les amants sont des enfants heureux, etc. L’aventure passe par le filtre de la poésie – mène du noir le plus profond aux couleurs les plus vives. Elle est aussi une sorte de musique dont la vibration est à même d’atteindre ce qu’il y a de plus général dans l’être : son mouvement intérieur fragile et térébrant.
Certains moments sont orientés plutôt vers un public « jeune » avec une traversée du merveilleux des contes et des films qui développent divers imaginaires du corps. Pour autant la poétesse n’édulcore pas la dimension érotique de l’être. Mais à côté de la joie de la sexualité existe ce qui la tue : viol, excision et religieux. Ariane Dreyfus fidèle à elle-même défend, par son montage de texte, le corps et l’intégrité des femmes sans crudité mais sans lyrisme béat.
La poétesse s’ose, dans sa vérité, en un voyage entre réalité et imagination, avec en « invités », ça et là dans ses textes, et entre autres, Guillevic (déjà cité), Michaux, le peintre hyperréaliste Gérard Schlosser, et de nombreux cinéastes. Ces présences prouvent que l’écriture poétique peut être aussi austère que jubilatoire grâce à l’élan de la vraie rencontre et de son évidence. Les corps se déplacent, se touchent, se mélangent, se défont à l’image d’un débordement des berges du moi. Si bien que le fluide d’un tel livre passe sous la peau pour une approche des plus existentielles qui soient.
Jean-Paul Gavard-Perret
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