Missak, Didier Daeninckx
Missak, mars 2018, 352 pages, 7,80 €
Ecrivain(s): Didier Daeninckx Edition: Folio (Gallimard)
Edité initialement en 2009 aux éditions Perrin, Missakfait l’objet d’une réédition en poche. On salue l’initiative qui nous replonge dans un aspect particulier de la Résistance, celui de l’Affiche Rouge.
21 février 1944. Missak Manouchian, communiste arménien, chef d’un réseau de résistants immigrés, est fusillé au mont Valérien, ainsi que ses compagnons d’armes. Ce sont tous des immigrés de différentes nationalités appartenant aux FTP-MOI. La seule femme du réseau sera, elle, décapitée à Stuttgart. Tous figuraient sur la célèbre affiche rouge, placardée sur les murs de Paris, à plusieurs milliers d’exemplaires. Missak, à quelques heures de son exécution, écrira une ultime lettre à son épouse, Mélinée, lettre bouleversante dans laquelle il la prie d’être heureuse, tout en écrivant qu’il mourra sans haine et en pardonnant à tous, « sauf à ceux qui l’ont dénoncé », cette dernière expression ayant été occultée dans les différentes publications de cette lettre.
Janvier 1955. On doit inaugurer une rue en l’honneur du groupe Manouchian. Louis Dragère, journaliste à L’Humanité, est chargé par le parti communiste de retracer la vie de Missak Manouchian, en vue d’une publication. Le journaliste va ainsi commencer par reprendre la lettre écrite par Manouchian pour s’apercevoir qu’une censure a permis « d’escamoter » l’expression qui accuse ceux qui sont à l’origine de l’arrestation du groupe. Le doute va s’installer chez le journaliste, et son enquête va progressivement modifier l’image du résistant. Il va devoir rencontrer des personnages du parti communiste, dont Jacques Duclos, et là, quelques découvertes vont poser question, comme celle du rôle exact du parti communiste dans toute cette affaire.
Louis Dragère va devoir enquêter chez les proches de Manouchian, que d’aucuns auront confondu avec Manoukian, autre résistant de l’Affiche Rouge. La sœur de Mélinée lui dévoilera quelques pans de l’histoire personnelle du résistant, ainsi que les parents d’un certain Charles Aznavour. Quant à Mélinée, elle était à l’époque professeur de français à Erevan, capitale de l’Arménie, alors soviétique.
D’autres noms vont figurer dans l’enquête que mène le journaliste. Ce sont Louis Aragon, qui le recevra, ou Charles Tillon, l’ancien chef des francs-tireurs et partisans, ou encore le peintre Krikor Bédikian.
Didier Daeninckx nous fait vivre une véritable enquête sur fond d’inondations dans la région parisienne. Mais plus qu’un simple récit, Missak est aussi un roman qui captive tant par les progrès de l’enquête que par la construction et l’écriture du texte. Autre détail important : le titre de l’œuvre, Missak, qui instaure une proximité, assurée ici par le déroulement des faits qui nous fait entrer dans une certaine intimité avec le résistant.
Guy Donikian
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