Mes amis (décrits en quelques mots), Marianne Braux
J’accroche
avec les gens plein d’épines
et à la langue râpeuse
Auprès des bêtes et des cloches
je suis heureuse
Je suis cul et chemise
avec les démunis les mendiants
Je fais bon ménage
avec les cocus et les adultes errants
Très vite je sympathise
avec les ivrognes au pas lent
En un rien de temps je fraternise
avec les orphelins de tous âges
A merveille je m’entends
avec les sourds au beau langage
Je suis sur la même longueur d’onde
que les hommes au regard vague
que les femmes à la chair molle
les marins d’Amsterdam
et les putains du port
Je suis comme tout le monde
j’aime quand quelque chose se passe
Facilement je m’attache
aux souillons à tous les malpropres
Je préfère Cendrillon
à la princesse derrière qui elle se cache
De la compagnie des marginaux
jamais je ne m’ennuie
car moi aussi j’ai des maux
dès lors que je parle (j’é-cris)
Ta peau
J’ai voulu ta peau
Mate émaillée de mes mots
Doux de plus en plus durs
Dans les draps beaux
Et bleus blancs lourds
De notre littérature
Dans ces draps d’eau
Où tant s’écoule
Où tu me bouges
Et je te tire
Où l’on a maille à partir
Avec le mal de plaisir
Notre lit pour patrie
Où l’on sème
Des permanences
Dans le sens du jour
Comme de la nuit
Je veux
Ne plus parler de nous
Ni pleurer nue
Je voudrais
Fabriquer de l’amour
A en crever la vue
De tous ces mots tabous
Que je vois sur ta peau
Qui n’a rien à cacher
Qui n’en dit jamais trop
Pour moi
Sous mes draps que j’ai cru
Etre ta peau
Etre ta peau
J’ai voulu ta peau
Mâle et taillée de mes mots
Courts de plus en plus bruts
Sous les drapeaux
Blancs un peu rouges
De notre terrain de lutte
Sous les bravos
De cette foule
Folle dont je doute
Mais qui m’habite
Je voudrais en finir
J’aimerais tant te dire
Notre chambre pour champ
De bataille immanente
Où l’on s’étire
En suivant la carte du Temps
Ses moindres soupirs
Je veux
Ne plus imaginer
Ni dormir sans
Ta peau que mes mots savent
Sur le bout de la langue
Ne plus te prononcer
Tout bas jusque tard
Dans le noir
Je suis exsangue
Moi là
Sous ces draps que j’ai cru
Etre ta peau
Etre ta peau
Marianne Braux
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